9 min

Rentrée littéraire : le grand huit

Franck V Unsplash

Bienvenue dans le grand parc d'attraction de la rentrée littéraire. Et surtout dans son grand huit. Comme chaque année, plus de 500 romans seront dans les rayons des librairies dans cette rentrée littéraire. Comme chaque année, choix cornélien. Comme chaque année, des agacements, des livres dispensables et des heures de bonnes lectures perdues. Comme chaque année, aussi, des pépites. Ernest a déniché huit livres indispensables. Huit livres qui ne laissent pas indemnes et qui chacun, à sa façon, fait évoluer le lecteur. Ce sont huit romans français. Notre sélection étrangère arrive aussi. Ils seront cinq. Avec ces 13 livres, vous aurez alors un beau panorama de la rentrée littéraire : entre livres d'amour, livres drôles et livres puissants, il y a de quoi se remplir de belles émotions. En route pour le grand huit.

Ernest Mag De Turckheim PrinceÉmilie de Turckheim - Le Prince à la petite tasse - Calmann-Lévy : D'une immense beauté

Parfois, à la lecture d'un livre, dès les premières pages, on sait. On sait que cette lecture sera une lecture déterminante. De celles qui laissent une trace. De celles qui font pleurer, de celles qui font sourire, de celles qui interpellent. "Le Prince à la petite tasse" est de cette trempe. Une lecture époustouflante, renversante et saisissante. Un jour où l'un des drames désormais réguliers des migrants faisait la une des journaux, Émilie de Turckheim lance à la cantonade : "ils sont des milliers dehors. On pourrait en accueillir un à la maison". Son mari renchérit : "oui, il faudra acheter un lit". L'un des enfants, Marius, veut "apprendre sa langue", quand, Noé, le plus petit "veut lui apprendre à jouer aux cartes". C'est ainsi que démarrent neuf mois de cohabitation entre la famille d’Émilie et Reza, réfugié Afghan qui a fui son pays à l'âge de 12 ans et qui se retrouve en France après être passé par l'Iran, l'Albanie, la Grèce, la Turquie et la Norvège. Reza s'installe petit à petit. La famille et lui apprennent à communiquer. Doucement. Par les gestes, par les mots, mais aussi par les silences.

Un livre délicat et puissant, joyeux et interpellant

Cette histoire individuelle devient une histoire familiale puis une histoire collective au sens où elle parle à chacun de nous. C'est bien là la prouesse d’Émilie de Turckheim dans ce récit touchant et juste de bout en bout : parvenir à faire de cette aventure familiale, une histoire universelle qui a trait à ce que chacun peut faire pour faire quelque chose qui le dépasse. Une histoire universelle qui a également trait à la relation à l'autre et aux autres et plus largement à ce qui peut s'appeler Fraternité. Ce livre est dense, rare, intense et joyeux. Reza est un soleil et la famille d’Émilie est une cabane qui aime recevoir ce soleil. Délicatesse, pudeur, et empathie sont parmi les choses importantes de ce roman. La lecture se fait en apnée. Avec des frissons et des émotions qui sont présentes tout au long de la lecture. Un des grands livres de la rentrée. A ne manquer sous aucun prétexte !

Retrouvez ici notre entretien avec Émilie de Turckheim sur son roman "L'enlèvement des sabines" paru l'an dernier. Et bientôt plus autour du "Prince à la petite tasse".

Ernest Mag IdeauxAurélie Filippetti - Les idéaux - Fayard : Un roman idéal !

Autant le dire tout de suite, à l'entame de la lecture des "Idéaux", quelques doutes ont germé. Une ex-ministre qui raconte l'histoire d'amour entre une politique de gauche avec un politique de droite, la peur a été réelle. Puis, dès les premières lignes, un souffle. Et surtout un flash : avant d'être femme politique Aurélie Filippetti était écrivain. Et un grand écrivain. Ses livres "les derniers jours de la classe ouvrière" ou "un homme dans la poche" étaient de vrais objets littéraires, avec du souffle et du style. Souffle et style. C'est justement ces deux ingrédients qui frappent dès les premiers instants de lecture. Du style dans la façon de mettre en scène ce monde politique qui ne pense qu'au pouvoir plutôt que de penser à la politique. Du style dans la façon dont Filippetti parvient à faire de son expérience, un roman universel, dense et passionnant. Un grand roman politique. Du souffle aussi, évidemment, dans le propos. Souffle dans sa façon de dépeindre l'emprise de la communication, souffle dans la façon de faire de la littérature pour saisir le réel et poser ainsi des questions en variant les points de vue et en ouvrant les horizons. Du souffle enfin dans la plume d'Aurélie Filippetti. Une plume acérée et tranchante qui se plante là où il faut.

Un grand roman politique avec un grand P