Vive la légion étrangère ! Après le grand huit de la rentrée qui s’intéressait aux huit romans français indispensables, voici une sélection de cinq romans étrangers époustouflants. Au menu : une critique drôle et féroce de l’Amérique, un miroir sur le passé familial, une plongée dans la tête d’un terroriste kamikaze, une balade humaniste en Malaisie et enfin une quête d’identité. Une très belle moisson de littérature étrangère ! Partez en voyage.
La somme de nos folies – Editions Zulma : une exquise découverte
Attention surprise ! Une découverte Ernest dont aucun autre “grand média” autorisé ne vous a encore parlé. Nous sommes en Malaisie, à Lubok Sayong, ville du Nord de Kuala Lumpur. Et dans ce prmeier roma,n signé Shih-Li Kow nous suivons les péripéties d’une toute petite communauté où se mélangent des inondations répétées, des secrets de familles, des rencontres et même l’organisation d’une Gay Pride. Au centre de l’histoire, Beevi, femme acariâtre, le cœur sur la main, capable de se révéler très ouverte d’esprit quand il faut défendre les droits des “lady boys”, en “rééducation” dans le secteur. Il y a ensuite deux narrateurs, pour raconter : Auyong, le fidèle ami de Beevi, directeur de la conserverie locale de litchis, et Mary Anne, l’orpheline adoptée par sa sœur qu’elle a accueillie à sa mort.
L’humanité dans ce qu’elle a de plus beau
Les deux récits alternent dans un mouvement régulier de balancier. Le lecteur oscille dans ces deux histoires qui constituent un tableau incisif et joyeux de cette petite communauté humaine dont l’auteur nous narre les aventures. Ces personnages sont dans un lieu reculé, ils sont différents, mais en même temps tellement proches de nous. Cette micro-société est en fait la somme et le symbole de l’humanité. Les hommes et les femmes de cette histoire superbe se batte avec leurs armes, pour survivre, pour vivre, mais aussi pour créer de la joie. La somme de nos folies est un livre plein d’humour, un livre dépaysant, un livre joyeux et un livre humaniste. A découvrir d’urgence !
Luke Rhinehart – Invasion – Aux forges de Vulcain : loufoque et spirituel
Luke Rhinehart est un auteur culte. Il avait fait paraître il y a quelques années “L’homme dé” (seul de ses romans traduit en français). Il y racontait comment un homme décidait de prendre toutes les grandes décisions de sa vie aux dés. Ce livre était d’une grande intelligence sur la place du hasard et sur le fait de savoir si oui ou non le destin existait. Le roman était enlevé et drôle et doit absolument être dans vos bibliothèques. “Invasion”, celui qui paraît en cette rentrée est d’une autre trempe, mais vaut complètement le détour et confirme que Rhinehart mériterait vraiment d’être plus traduit et connu en France.
Stupéfiant
Le pitch est simple : Des boules de poils intelligentes débarquent sur Terre. Venues d’un autre univers, elles n’ont d’autre but que de s’amuser. L’une d’entre elles, Louie, est adoptée par Billy Morton, un Américain moyen plein de bon sens. Quand les autorités décident de se saisir de ces bestioles, Billy et sa famille, échaudés par l’Amérique contemporaine où ils se sentent de moins en moins à l’aise, prennent la tangente : peut-être que, finalement, la sagesse n’est pas du côté du pouvoir politique, mais du côté de cette anarchie sympathique, de cette libération improbable que cette invasion apporte. Dans une verve subversive Rhinehart interroge tout et notamment notre rapport à l’autre, à l’étrange et au surgissement bizarroïdes. C’est un roman d’une drôlerie folle et d’une loufoquerie qui peut déconcerter mais qui si on si attache nous emmène très loin.
Javier Cercas – Le monarque des ombres – Actes Sud : De l’ombre enluminée
Chanceux lecteurs que vous êtes, nous vous avions déjà engagés à aller voir du côté de Javier Cercas, cet auteur espagnol passionnant. Son dernier livre “le monarque des ombres” qui vient de paraître chez Actes Sud ne déroge pas à notre conseil. Mieux, il vient même l’amplifier. Dans ce livre, Cercas part en exploration. En exploration familiale mais aussi en exploration personnelle. Cerise sur le gâteau, signe des grands romans, l’exploration est aussi collective et universelle. Cercas part à la recherche de Manuel Mena. Son grand-oncle. Franquiste. Mort à 19 ans et resté le héros de la famille dont la mère de Cercas garde une image magnifique. Dans sa quête Cercas interroge le passé, la mémoire, la façon de mettre en avant tel ou tel pan de l’histoire. Il s’interroge sur lui. Devait-il ou non écrire ce roman ? Manuel Mena peut-il être un héros ?
Un livre qui rend plus intelligent
Le souffle de l’écriture de Cercas entraîne comme toujours le lecteur et le fait aller très loin dans la recherche conjointe avec l’auteur. Le monarque des ombres est un grand livre en ce sens qu’il nous pousse à interroger nos images, celles que l’on crée pour nous, celles que nous gardons précieusement, celles que nous aimons pas, et celles que nous cherchons à oublier. Toute cette interrogation des images est aussi une interrogation sur la mémoire, sur les mémoires et sur nos mémoires. A ce propos d’une force rare et d’une puissance dramatique s’ajoute l’écriture ample et faite de circonvolutions joyeuses de Cercas. Ce livre est un régal. On en sort grandi et plus intelligent.
Nicole Krauss – Forêt Obscure – Edition de L’Olivier : les aventures du soi
Comment se délester de soi peut conduire à mieux se retrouver ? C’est la question existentielle qui est le fil à plomb de ce très beau livre de Nicole Krauss. Les deux personnages de “‘fôret obscure” sont mus par une soif de vérité dans une quête existentielle et spirituelle qui les conduit en Israël. La terre de leurs ancêtres. D’un côté Jules Epstein, millionnaire qui a toujours été au sommet décide – après la mort de son père de se dépouiller de tout et notamment de ses vanités pour se trouver. Enfin. Il veut s’épurer. De l’autre, Nicole romancière new-yorkaise, alter-ego de l’auteure qui est en pleine crise de créativité et en plein divorce.
Un roman d’aventures
Bref, les deux personnages pour tenter d’y voir plus clair dans leurs vies respectives décident de retourner vers Israël et s’embarquent pour Tel Aviv. Au fond, un roman d’aventures commence alors. L’aventure de la vérité face à soi-même , l’aventure de se débarrasser des fardeaux encombrants du passé, l’aventure aussi de la recherche de la beauté et de l’inattendu. De la grâce en quelque sortes. Cette grâce le lecteur la trouve dans l’oeuvre de Nicole Krauss que l’on quitte à regret et qui laisse une trace dans nos esprits. Superbe.
Yasmina Khadra – Khalil – Julliard : Aux origines de la violence
Khadra est un écrivain unique. Lui seul sait saisir avec justesse et sans pathos l’horreur, l’indicible et le complexe du monde. Il l’a fait dans les “Hirondelles de Kaboul“, “L’attentat” ou les “Sirènes de Bagdad“. Cette fois-ci c’est avec Khalil qu’il y parvient avec brio. Khalil est le 13 novembre 2015 à Paris. Il doit se faire sauter avec les autres terroristes. Problème : sa ceinture ne fonctionne pas et il est contraint de retourner en Belgique auprès de ses directeurs de conscience, mais aussi de sa famille et de ses amis. Il est affecté sur une autre mission.
Des mots forts pour un grand livre
Dans ce roman fort et dérangeant, Khadra détaille le cheminement, la construction individuelle, mais aussi collective qui fait basculer un jeune belge (qui pourrait être de toute autre nationalité d’ailleurs) comme Khalil. Comme toujours avec Khadra les mots racontent mais ne jugent pas. Le lecteur est assez grand pour savoir. Pour démêler. Pour tenter de voir une lumière dans l’obscurité la plus totale dans laquelle ces jeunes tombent. Ce livre est aussi un livre audacieux. Un livre qu’il fallait avoir le courage d’écrire et de porter. Khadra le fait avec toute l’intelligence et toute la modestie qui caractérisent son écriture métaphorique. C’est un très grand livre. Tout simplement.
[…] ! Une découverte Ernest dont aucun autre « grand média » autorisé ne vous a encore parlé. Nos abonnés ont entendu parlé de ce bouquin dès le 6 septembre. Aujourd’hui nous voulons lui donner encore plus d’écho. Il est donc le livre du vendredi. On […]