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Iacono : “La vérité d’un être humain est polyphonique”

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Iacono s'empare de Maïakovski pour un roman polyphonique vertigineux, enjôleur et intelligent. A ne manquer sous aucun prétexte. Rencontre.

CD9C145C AF4D 4A59 AC87 F7AD4110A135"Je l'ai écrit sur mon île", confie Yoann Iacono. L'île en question : Groix. Une idée : et si on allait rencontrer l'auteur dans son lieu d'inspiration ? Il accepte et voilà que nous nous retrouvons dans le Golfe du Morbihan sur cette terre authentique, charmante tout autant sauvage qu’accueillante. Entre embruns, éclaircies, et un temps qui s'écoule doucement, Yoann Iacono raconte sa passion pour Maïakovski, le sillon qu'il creuse depuis son premier roman - découverte Ernest : Le Stradivarius de Goebbels - sur les rapports entre l'art et la politique.  Entre deux promenades, le tutoiement s'instaure naturellement.

Son nouveau livre qui paraît le 31 août chez Slatkine & Cie "Les vies secrètes de Vladimir" est un excellent roman polyphonique qui donne envie de découvrir ou de redécouvrir le poète russe, et plonge le lecteur dans la personnalité virevoltante de Maïakovski. Un homme qui aimait la vie, les beaux costumes, les femmes, la poésie et la politique. Un roman qu'il ne faut manquer sous aucun prétexte, au style ciselé, qui souligne avec force et vigueur ce que peut la poésie pour réenchanter le monde. Un livre qui mêle la saveur du plaisir de lecture, de la découverte de personnages haut en couleurs (Lili Brik, Elsa Triolet, Boris Pasternak, Louis Aragon...) avec la géniale impression de terminer la lecture en étant plus intelligent qu'au démarrage de celle-ci. Enfin, un roman que l'on ferme à regrets tant on aurait aimé qu'il dure plus longtemps.

Comment t’est venue l’idée de t’intéresser au personnage de Maïakovski ?  ERNEST IACONO 1500x1001

Yoann Iacono : J’hésite souvent à raconter le véritable point de départ de ce roman mais, puisque c’est toi et qu’il n’y a aucun risque de malentendu  je vais en dire un mot.

J’ai grandi à Bordeaux et toute mon adolescence a été bercée par les chansons du groupe Noir Désir. Comme pour beaucoup d’admirateurs, la mort de Marie Trintignant a été un choc profond et je ne suis plus vraiment parvenu à écouter ce groupe après ce drame, à séparer la personnalité de l’artiste de son œuvre en quelque sorte. Avec le temps, je me suis aperçu qu’une chanson d’eux revenait de façon récurrente dans mon inconscient : A l’arrière des taxis.

Sauf à avoir grandi à Bordeaux, il est impossible de comprendre le sens de cette chanson. Il existait à l’époque un défi amoureux absurde qui consistait à remonter, en voiture, tous les boulevards de la ville à vive allure pour passer la ligne de feux verts. Pour cela, il fallait accélérer de façon continue de 50km/h au départ pour finir à 150 km/h. En pleine ville, c’était comme jouer à la roulette russe et c’est ce qui a inspiré les paroles de cette chanson : « Vous les avez connus ceux qui dans un élan de poésie mal contrôlé / A cent à l’heure sur les boulevards / Sur les banquettes de moleskine / En s’en remettant au hasard / Sans plus se soucier de Lénine / Ils s’aimaient à l’arrière des taxis / […] En pensant à Lili Brik et Vladimir Maïakovski »….

Longtemps ce nom « Maïakovski » a résonné en moi : la sonorité russe, le goût de l’interdit, ce comportement suicidaire, cette folie amoureuse en guise de jeunesse et d’amour éternels. C’est seulement très récemment, à force que les paroles de ce titre me reviennent, que j’ai voulu en savoir davantage sur la vie de Vladimir Maïakovski et je n’ai pas été déçu !