Tandis que la Comédie Française propose actuellement une nouvelle version de Macbeth sur les planches, se demander pourquoi Shakespeare est intemporel et parle aussi en creux d’aujourd’hui.
Du Shakespeare à la Comédie Française. C’est en ce moment. Et c’est Macbeth. Vous savez, Macbeth, qui raconte qu’après avoir écouté la prophétie des Nornes selon laquelle son mari deviendra roi, Lady Macbeth persuade son époux de tuer le roi d’Écosse Duncan afin d’accéder au trône. Malgré le doute et la peur, Macbeth tue son souverain et devient le nouveau roi d’Écosse. Son crime accompli, il vivra une vie d’anxiété et de peur.
Voilà pour le Pitch. Mais Macbeth, c’est aussi une réflexion profonde sur le pouvoir, sur la loyauté, sur l’ambition dévorante, la pulsion de mort, mais aussi sur le fait de s’habituer à un destin. Comme si le fait de répéter une chose, conduisait à son entrée dans le domaine de l’acceptable. Comme si l’on finissait par admettre l’interdit formulé. Ici, chez Macbeth : le meurtre pour le pouvoir. Ailleurs, dans la série « La fièvre », cette idée qu’une guerre civile peut naître ou même dans le film récent « Civil War » qui imagine une guerre civile aux Etats-Unis. Des résonances qui ouvrent des perspectives terribles mais aussi intéressantes. Que ce soit dans Macbeth, dans « la fièvre » ou dans « Civil War ». De quoi donner une raison d’aller à la Comédie française voir Macbeth, mais aussi de le lire ou de le relire.
1. La quête du pouvoir et ses résonances contemporaines :
“Macbeth” est une exploration intemporelle des désirs de pouvoir et des conséquences destructrices que ces aspirations peuvent engendrer. Dans une France où le paysage politique et social est de plus en plus fragmenté, la tragédie de Macbeth résonne particulièrement. Comme Macbeth, nombreux sont ceux qui se laissent tenter par la promesse du pouvoir, souvent au détriment de valeurs éthiques. Shakespeare écrit : “Je n’ai pas de joie à ce sceptre, ces mortelles breloques, tant qu’il me faut le porter avec un cœur blessé.” Ce passage illustre la vacuité du pouvoir obtenu par des moyens corrupteurs.
2. La manipulation et la trahison :
L’influence toxique de Lady Macbeth sur Macbeth reflète les dynamiques de manipulation souvent présentes dans les sphères de pouvoir. “Un peu d’eau nous lave de cette action,” dit Lady Macbeth, minimisant l’acte de régicide. Cette attitude peut être parallélisée avec les rationalisations fréquentes des actes répréhensibles dans le climat politique actuel, où la fin justifie trop souvent les moyens.
3. La question de la légitimité du pouvoir :
La France, avec ses multiples voix et revendications identitaires, peut trouver dans “Macbeth” des échos à ses propres débats sur la légitimité. Le fantôme de Banquo à la table de Macbeth est un rappel spectral que les actions illégitimes ne sont jamais vraiment sans témoins ni conséquences : “Tu ne peux pas dire que je l’ai fait : ne secoue pas tes cheveux hérissés sur moi !” Ce cri de Macbeth confronté à ses crimes peut être vu comme le reflet de sociétés confrontées à leur passé ou à leurs choix contestables.
4. La folie comme métaphore de la déroute morale et sociale :
La descente de Macbeth dans la folie est une puissante métaphore de la dégradation morale et sociale. “La vie n’est qu’une ombre errante, un pauvre acteur qui se pavane et s’agite durant son heure sur la scène et qu’on n’entend plus,” médite Macbeth, illustrant la vacuité et l’absurdité d’une existence dépourvue de principes moraux. Dans une France “archipélisée”, divisée et en quête de sens, cette réflexion gagne en pertinence.
5. La tragédie comme catharsis :
Lire ou relire “Macbeth” offre un espace pour la catharsis collective. Confronter les ténèbres, les travers humains et finalement, trouver une forme de rédemption ou de compréhension à travers l’art, permet de réfléchir à nos propres choix et à notre futur commun. Shakespeare, par sa langue et ses métaphores, invite à un dialogue entre les siècles qui peut aider à éclairer nos propres turbulences et peut-être, à trouver une voie vers une réconciliation ou une meilleure compréhension mutuelle.
En somme, “Macbeth” n’est pas seulement une œuvre du passé ; c’est un miroir tendu à notre présent, un outil pour décoder des dynamiques complexes et un rappel que les actions humaines ont toujours des répercussions profondes, tant sur les individus que sur la société dans son ensemble. Quand on vous dit que la littérature dialogue avec le monde, d’hier et d’aujourd’hui.