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Notre Goncourt

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“Le mage du Kremlin” de Giuliano da Empoli paru chez Gallimard, couronné du Grand Prix de l’Académie Française est un roman magistral sur le pouvoir, sur la façon dont il façonne les hommes et surtout sur la façon dont il peut devenir absolutiste. La plongée dans la tête d’un conseiller de Vladimir Poutine que réussit Giuliano da Empoli est superbe, pleine de subtilité et d’intelligence sur la folie d’un régime, sur la façon dont la Russie considère aujourd’hui les démocraties occidentales. De son expérience politique, de ses enquêtes, Da Empoli a tiré un roman d’une force rare. Nous l’avons vraiment beaucoup aimé. “Le mage du Kremlin” est notre Goncourt de cœur. Nous aurions adoré que l’Académie – pour une fois – couronne Giraud et Da Empoli. Frédéric Potier nous parle de ce livre, de Giuliano da Empoli et du prix Goncourt que nous lui attribuons. D.M.

Dans la vie littéraire française, le prix Goncourt est un monument. Un énorme paquet de consécration, de reconnaissance et de ventes garanties. Le choix du jury 2022 s’est porté sur Brigitte Giraud, alors qu’elle était à égalité avec Giuliano Da Empoli et qu’il a fallu la voix double du président Didier Decoin pour départager les jurés. Il est dommage que l’ami Giuliano Da Empoli n’ait pas remporté le prestigieux prix Goncourt pour son superbe ouvrage “Le mage du Kremlin”, publié chez Gallimard. Il se consolera avec le Grand Prix de l’Académie Française qui récompense presque toujours d’excellents romans (FH-Désérable, Sorj Chalandon, Laurent Binet, Hedi Kaddour, Patrick Rambaud etc.)

Capture D’écran 2022 11 04 À 09.59.28J’ai eu la chance de rencontrer Giuliano l’hiver 2021 à l’occasion d’un débat à la Fondation Jean Jaurès que j’animai autour du livre du camarade Raphaël Llorca consacré aux nouveaux visages de l’extrême droite (éditions de l’Aube, nous vous en parlions ici). Raphaël avait tenu à ce que cette rencontre se fasse sous la forme d’un dialogue avec Giuliano Da Empoli, ancien conseiller du Premier ministre italien Matteo Renzi, qui avait publié en mars 2019 un essai consacré aux “Ingénieurs du Chaos”, qui relatait les méfaits des conseillers en communication œuvrant dans les entourages des leaders populistes et extrémistes, en particulier européens.

A l’issue du débat, Jérémie Peltier, le directeur des études de la Fondation, et chroniqueur ici même, tint absolument à nous faire découvrir un restaurant hongrois à proximité de la cité Malesherbes. Tandis que nous trempions nos fourchettes avec scepticisme dans un borsch qui sentait aussi bon que la propagande de Viktor Orban, Giuliano nous informa avec une modestie et une humilité rares qu’il sortirait en avril 2022 un “petit roman”, “trois fois rien”, consacré à un proche conseiller de Vladimir Poutine. Son titre, “Le mage du Kremlin”, suscita chez tous les attablés un enthousiasme que le Tokay pinot gris ne pouvait à lui seul expliquer.

Capture D’écran 2022 11 04 À 10.20.36L’idée d’une deuxième rencontre s’imposa autour de la fiction alors que sortait mon thriller “La menace 732”. J’eus donc le plaisir de débattre avec Giuliano du lien entre pouvoir, polar et fiction lors d’une soirée animée par la journaliste de Charlie Hebdo Laure Daussy (Le débat est à revoir ici). Il ne devait pas y avoir plus de dix personnes dans la salle, quelques habitués, des amis proches, des anciens stagiaires et des inconnus qui avaient vu la lumière. Le libraire présent ce soir-là vendit sans doute au maximum six exemplaires… Depuis “Le mage du Kremlin” a heureusement conquis un très large public et figure dans le top 10 des ventes, en France mais aussi en Italie. Il est vrai que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a donné envie de comprendre les ressorts du régime et de la folie poutinienne. Et c’est toute la force du roman de Giuliano que de parvenir à saisir le réel à partir de la fiction. Le “Mage du Kremlin” est un grand livre sur le pouvoir, sur les rapports de force, sur la capacité d’une poignée d’hommes à imposer une vision du monde nostalgique et paranoïaque fondée sur les névroses et leurs rêves de puissance perdue. Ce n’est pas hasard si notre ami Giuliano est florentin, il y a du Machiavel dans sa plume ! Un Nicolas Machiavel à l’heure des réseaux sociaux et de la télévision. Rouvrant mon exemplaire tout écorné, j’y relis cette dédicace “Pour Frédéric, un collègue qui écrit comme moi des romans qui ne le sont pas tout à fait. Amicalement, Giuliano”. Des romans qui ne le sont pas tout à fait. Tout est dit. Encore félicitations à Giuliano da Empoli, notre ami, qui a séduit l’Académie et tant de lecteurs et qui le mérite tellement.

Toutes les inspirations d’Ernest sont là.

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