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Coe de maître

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Joyeux, intelligent, subtil, exquis, drôle et profond. Autant de mots qui pourraient qualifier l’excellent nouveau roman de l’un des  auteurs contemporains les plus talentueux : Jonathan Coe. Coe est donc de retour avec “Le Royaume désuni” et il signe avec ce livre la quintessence de ce que peut être la littérature quand elle choisit de mêler l’intime avec l’Histoire. Quand elle choisit de mêler cette fameuse grande Histoire avec l’histoire des individus. Quand elle choisit d’explorer comment l’une influence ou non l’autre. Dans ce nouveau roman, donc, Jonathan Coe raconte l’histoire de l’Angleterre depuis 1945 jusqu’à aujourd’hui avec le Brexit, Boris Johnson etc, à travers l’histoire d’une famille et d’une chocolaterie, mais aussi à travers six grands moments de l’histoire du pays. Il y a ainsi le couronnement d’Elizabeth II, la victoire de l’Angleterre à la Coupe du monde de football en 1966 (racontée comme jamais cela n’a été fait d’un match de foot), la mort de Lady Di, son mariage avec Charles, l’investiture du Prince de Galles etc, ou le discours de Churchill à la BBC le jour de la victoire contre l’Allemagne en 1945.

Le pouvoir de la littérature pour dire le monde

Les personnages évoluent en même temps que le pays. Les uns épousent des chemins inattendus, les autres comme Mary qui trône comme le pivot central du livre tâtonne dans son existence, porte des secrets, et s’interroge sur les amours perdus. Dans une langue pleine de fougue, qui virevolte sans qu’il n’y ait un mot de trop, Coe ausculte le passé pour comprendre le présent. Il narre aussi avec un humour féroce les crises d’identités dans un monde à la dérive. Comme toujours chez lui, le personnel se mêle au politique et l’ensemble donne l’impression d’une mélopée intelligente autour d’une histoire connue (celle de l’Angleterre) et d’une histoire passionnante (celle de l’Angleterre mêlée à celle de cette famille vibrionnante).

Ce roman de Jonathan Coe vient une nouvelle fois démontrer tout le talent d’un auteur qui sait – comme peu d’autres – imbriquer l’intime et le politique sans que cela ne devienne pesant, lourd et ennuyeux. Cela démontre aussi, une nouvelle fois, l’immense talent d’écriture de Coe qui ne se perd jamais dans les détails et pourtant transporte réellement le lecteur dans les différentes époques qu’il narre. “Le royaume désuni” démontre finalement à quel point la littérature et la fiction sont les outils les plus efficaces pour faire comprendre des choses compliquées et pour donner une perspective. “Le royaume désuni” est un livre gourmand qui se déguste avec délectation. Jonathan Coe poursuit ce qu’il avait entamé avec son précédent roman “le coeur de l’Angleterre” dont nous vous parlions ici, à savoir, une auscultation sans concessions mais avec tendresse de ce qui constitue aujourd’hui l’intime et l’extime de son pays, l’Angleterre. Dans sa façon de raconter l’histoire à travers des moments, il y a quelque chose qui rappelle Jean-Paul Dubois d’ “Une Vie Française” (dont Frédéric Potier vous parlait ici). Bref, “Le royaume désuni” est un excellent roman. De ceux qui restent.

“Le royaume désuni”, Jonathan Coe, Gallimard, en librairie le 10 novembre.

Tous les livres du vendredi d’Ernest sont là.

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