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Matthias Fekl : “J’ai besoin de sentir l’âme d’une bibliothèque”

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Ancien ministre de François Hollande, Matthias Fekl exerce désormais comme avocat, et continue de cultiver un amour immodéré pour la littérature et la lecture. Il a reçu Guillaume Gonin pour parler des livres qu’il aime. Nouvel épisode de “Dans la bibliothèque des politiques”.

Photos : Noémie LECAMPION

À première vue, dans son bureau, une photographie dédicacée avec Barack Obama semble l’unique souvenir d’une période désormais révolue : la politique. D’abord député et secrétaire au commerce extérieur, notre invité fit partie d’une génération révélée au crépuscule du quinquennat de François Hollande, devenant son dernier ministre de l’Intérieur. Ephémère, aussi, comme il le souligne lui-même lors de la démission de Liz Truss, avec une drôlerie toute britannique : « Je salue Liz Truss, restée à Downing Street douze jours de moins que moi place Beauvau. » En pleine campagne présidentielle 2017, il y affronta néanmoins la crise en Guyane – qui fut l’occasion de notre rencontre –, ainsi que l’attentat des Champs-Elysées qui couta la vie au policier Xavier Jugelé. Plus tard, nos chemins se recroisèrent à Bordeaux, les discussions autour des livres et l’écriture cimentant une amitié. Alors qu’il s’est depuis éloigné de la politique active, celui qui est devenu avocat publie un essai remarquablement documenté sur Cuba, « Le dernier cortège de Fidel Castro ». L’occasion était trop belle, d’autant que sa parole est rare : Matthias Fekl est l’invité d’une bibliothèque des politiques ballotée entre la Sprée et la mer des Caraïbes, loin des rives du pouvoir – pour le moment.

 

* * *

 

Matthias, tu viens de publier un livre passionnant sur Cuba. Comment as-tu été amené à t’intéresser à ce pays ?

Matthias Fekl : Merci d’abord pour ton appréciation sur le livre ! Pour te répondre, il y a plusieurs raisons. Je m’y suis d’abord rendu à titre privé, avant d’y retourner pour le Gouvernement, travaillant notamment autour de sujets liés à la dette cubaine et à la présence des entreprises françaises. Or, ce qui m’a frappé dans ce pays, au-delà du cliché des plages de sable blanc et des cocktails, c’est la haute culture qui l’imprègne. C’est un pays d’une complexité folle, bien au-delà de ce que tout le monde imagine, d’une créativité artistique hallucinante : littérature, peinture, musique, photographie …

47L’avais-tu perçu dans les livres, avant même d’y aller ?

Matthias Fekl : Oui. Quand je voyage, j’aime lire auparavant sur le pays que je m’apprête à découvrir – romans, essais, tout y passe ! Quel meilleur moyen d’appréhender une culture, une civilisation ? Ce fut le cas pour Cuba, lisant peut-être une vingtaine de livres avant d’y aller. Là, je tombe totalement sous le charme de Leonardo Padura, un extraordinaire écrivain contemporain. A travers lui, j’ai eu l’impression de véritablement rentrer dans la littérature cubaine, notamment parce qu’il fait référence à ses prédécesseurs et confrères dans ses livres.

Je pense à Heberto Padilla, poète magnifique auquel le régime reprochait d’être déviant, parce qu’homosexuel et donc considéré comme « bourgeois », ce qui lui vaudra une humiliation publique et un auto-abaissement terrifiants pour survivre, avant de s’exiler … Son livre « La mauvaise mémoire » est à ce titre bouleversant. Un autre écrivain exilé, Reinaldo Arenas, a également produit des livres poignants.

Dans ton livre, tu insistes sur l’année 1959, où tout bascule, laissant planer le doute quant aux vraies intentions de Fidel Castro pour sa révolution.

Matthias Fekl : L’année 1959 est, en effet, d’une densité incroyable. Auparavant, il y a des années terriblement romanesques, dans la forêt de la Sierra Maestra, avec le rôle-clef du journaliste américain Herbert Matthews qui érige Fidel Castro en héros – on le pensait mort après le débarquement raté sur les côtes cubaines, et voici qu’il ressuscite en Une du New York Times ! D’un coup, Castro incarne progressivement la révolution à lui seul, en espèce de robin des bois, alors qu’il y avait d’autres tendances qui cohabitaient dans ce mouvement : il y a des chrétiens-sociaux, des libéraux … En réalité, toute une partie de la haute société cubaine soutient la révolution !

… et même les Etats-Unis !

Matthias Fekl : Ils sont ambivalents, mais oui, une partie de la CIA et une partie plus importante encore du département d’Etat sont alors pro-Castro. Ils pensaient que Castro allait être un rempart contre le péril rouge ! (Rires) C’est incroyable. Disons qu’entre Cuba et les Etats-Unis, il y a une dialectique compliquée, que je ne voudrais ni simplifier ni trancher. Ce fut mon choix dans mon livre : il y a des dynamiques, l’histoire aurait pu être différente, notamment à travers la figure de John Kennedy, je retrace d’ailleurs des scènes stupéfiantes entre Castro et le journaliste Jean Daniel, qui apprennent ensemble la mort du président américain … alors même que Jean Daniel est en mission informelle pour sonder Castro sur sa réaction en cas d’éventuelles ouvertures kennediennes au régime cubain !

A quelqu’un qui souhaiterait découvrir Cuba par la littérature, que conseillerais-tu pour commencer ?  44

Matthias Fekl : Je commencerais par Leonardo Padura, avec « L’homme qui aimait les chiens », qui dépasse largement le seul Cuba, d’ailleurs. Ensuite, j’enchainerais sur les cycles de romans policiers de son personnage génial, Mario Conde.

Parce qu’à travers lui, on rentre vraiment dans le Cuba d’hier et d’aujourd’hui. C’est un auteur extrêmement critique, mais qui n’a jamais quitté son pays, alors qu’il le pourrait aisément. Avec lui, on pénètre dans la nostalgie, on comprend les espoirs suscités par la révolution et les désillusions, et on ne rate rien du réel d’aujourd’hui.

 

De manière générale, le roman policier est souvent le meilleur moyen de connaître l’envers d’une société. En plus, avec Padura, il y a toujours plusieurs niveaux d’histoire qui s’entrecroisent. A peu près tout ce qu’il a écrit mérite d’être lu.

Et qu’en est-il d’auteurs plus historiques ?

Matthias Fekl : Il y a les auteurs contemporains de la révolution qui sont très intéressants. Nous avons déjà évoqué Padilla. Je pense aussi à une poétesse, Dulce Maria Loynaz, issue d’une vieille famille aristocratique et militaire cubaine, qui a survécu dans cet univers par l’écriture, dans un splendide isolement au cœur de sa demeure havanaise. Je pense encore à Guillermo Cabrera Infante, sûrement le plus célèbre et le plus cruel vis-à-vis de ces évènements. Mais il y a également Hemingway, profondément cubain au fond, qui a légué sa médaille de prix Nobel de littérature à son petit village de pêcheurs, et qui aimait sa maison, la Finca Vigia, remplie de livres et de trophées de chasse ! Sans oublier José Marti, personnage central, l’un des vrais inspirateurs de la révolution, à tel point que Castro sera enterré à ses côtés ! Marti est un homme extraordinaire, à l’image des grands combattants d’indépendance du XIXème siècle, d’une immense culture, écrivain mais aussi penseur et homme d’action, mort à la guerre. Enfin, je conseillerais une superbe série de podcasts sur France Musique, une soixantaine au total, sur la musique cette fois : « Cuba, la musique et le monde ». C’est exceptionnel ! On comprend énormément de choses.

On trouve aussi des auteurs français à Cuba …

Matthias Fekl : Oui, il y a Régis Debray, très intéressant, qui a écrit des livres après avoir vécu intimement l’Amérique latine de cette époque. On retrouve aussi l’écologiste René Dumont, qui y fait des études et travaille, avant d’être en désaccord sur la politique agricole cubaine, pointant la bureaucratisation du système et sa paralysie par l’hypercentralisation. C’est l’une des raisons de l’effondrement de l’économie cubaine, d’ailleurs, puisqu’aucune initiative n’était prise. Il avait raison !

29Pour préparer ce livre, as-tu rencontré des personnalités comme Régis Debray ?

Matthias Fekl : Non, je ne suis pas allé voir grand monde. Peut-être à tort, d’ailleurs ? Je me suis contenté des écrits, c’était un travail solitaire. J’ai ressenti le besoin, non pas d’un repli, mais d’une bulle, d’un passage momentané par la tour d’ivoire. Cela m’a fait du bien après toutes ces années politiques … Et puis, je portais ce livre en moi depuis des années, dix années de lectures sur Cuba se sédimentant au fur et à mesure, pour se décanter progressivement en un plan du livre, avec sa triple construction qui s’enchevêtre : le chemin de La Havane à Santiago, d’abord, en suivant le dernier cortège de Castro ; la chronologie inversée, ensuite, sous forme d’un retour aux sources de la révolution cubaine ; la thématique, enfin, puisqu’à chaque étape du cortège correspond un thème. La construction a pris des années, si bien que l’écriture à proprement parler ne m’a pris que quelques semaines certes extrêmement intenses.

Où as-tu écrit, physiquement ?

Matthias Fekl : A la campagne, au calme, au vert, entouré d’amis d’enfance, de livres, avec une cheminée et un petit jardin. Comme écrivait Cicéron : « Tout homme qui a une bibliothèque et un jardin est un homme heureux » ! Ce lieu m’est d’autant plus cher que s’y trouve la bibliothèque de ma grand-mère, qui était institutrice et a vécu dans l’amour des livres. C’est donc un lieu assez livresque, où se trouve la source d’une partie du savoir qu’elle a transmis à ses élèves tout au long de sa vie …

As-tu toujours eu envie d’écrire ?

Matthias Fekl : Depuis toujours, je lis tout ce qui me passe sous la main, j’ai grandi dans un appartement rempli de livres – une chance ! Mais écrire, non, c’est autre chose. C’est venu après 2017, quand ma vie a beaucoup changé. Une vie très remplie, très bruyante d’une certaine façon est devenue soudainement plus calme. L’envie d’écrire est venue progressivement. J’avais peut-être besoin d’affirmer ma liberté par cette escapade historique et littéraire. En politique, on se demande tout le temps comment vont être interprétés nos propos, quelles seront les conséquences de nos actes … Là, j’ai juste pris un plaisir immense et gratuit à écrire.

N’as-tu pas eu la tentation de raconter ton expérience du pouvoir ?34

Matthias Fekl : Non. Peut-être le ferais-je un jour ? En supposant que cela intéresse qui que ce soit ! Non, j’avais vraiment envie d’écrire quelque chose de totalement différent … J’ai longtemps écrit des tribunes, des essais, des notes. Souvent des choses denses, mais assez courtes !

Avec Wladimir d’Ormesson, nous avons rédigé un livre d’entretiens conduits par Jean-François Achilli, ce qui a demandé beaucoup de travail. J’ai corédigé un livre de droit, grande école de rigueur mais aussi de créativité (Rires). Mais ce n’est pas la même chose d’être seul avec son ordinateur, sa bibliothèque … C’est une autre histoire.

Sur la scène politique, je n’ai pas mémoire de t’avoir entendu évoquer ta double nationalité franco-allemande. Est-ce une fausse impression ?

Matthias Fekl : Pas vraiment. Ce n’est pas trop mon tempérament de mettre en avant mon parcours personnel, même si j’en ai parlé ici ou là. En politique, comme ailleurs, il ne faut pas aller contre son tempérament. Une double culture fait qu’on baigne dans deux univers de références différentes, avec deux langues qui structurent différemment. En grandissant à Berlin, en parlant allemand, je l’ai vécu. Mais aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours profondément aimé la langue et la littérature françaises – à tel point que je me suis toujours vu vivre en France. La double culture permet de décaler le regard sur les choses, aussi, de mettre à distance les évidences ou l’acquis, elle permet de prendre du recul par rapport à nous-mêmes.

Mais tu ne l’as pas érigé en argument politique.

Matthias Fekl : Au fond, cette double culture m’a vacciné contre le rejet de l’autre. Au Gouvernement, il y a eu cette polémique sur les double-nationaux, attaqués par l’extrême-droite pour qui on ne peut pas avoir deux nationalités et servir loyalement la France. Evidemment, je ne faisais pas partie de ceux qui étaient visés, ce « privilège » revenait aux ministres qui avaient la nationalité française et une autre nationalité, de pays arabes. Mais cette polémique dégueulasse m’a beaucoup marquée. Aussi, grandir à Berlin m’a donné un goût absolu de la liberté. Jusqu’à douze ans, j’ai connu le mur qui scindait la ville en deux. Sans comprendre à cet âge-là toutes les subtilités géopolitiques, on comprend parfaitement ce que veut dire « la bande de la mort », où les Berlinois de l’Est se faisaient tirer dans le dos s’ils essayent de rejoindre l’autre côté du mur ! Le prix de la liberté est quelque chose qui m’a viscéralement marqué. S’y ajoute un profond sentiment d’attachement à l’Europe, le plus beau projet politique des dernières décennies.

Quelle serait ta bibliothèque allemande idéale ?

Matthias Fekl : Les Lumières allemandes sont d’une densité incroyable, ainsi que le théâtre allemand, même s’il est parfois intellectualisé à l’extrême. Parmi les auteurs contemporains, je recommande Ferdinand von Schirach, avocat et écrivain, qui écrit des livres très puissants sur la mémoire, la responsabilité historique de l’Allemagne, la liberté … Et puis, bien sûr, tout en haut dans mon panthéon personnel des auteurs germanophones figure Stefan Zweig, qui m’a énormément marqué par son universalisme, son amour de l’Europe et de la création artistique, la beauté de sa langue, extraordinaire de subtilité, cristalline et profondément humaine.

39Un auteur ou un livre a-t-il déjà changé ta vie ?

Matthias Fekl : (Un temps de réflexion, NDLR) « Le Monde d’hier », de Zweig. « Le Rouge et le noir », de Stendhal. « Guerre et paix », de Tolstoï. « Les Essais », de Montaigne. « L’homme qui aimait les chiens », de Leonardo Padura. C’est pas mal, déjà ? Je ne dirais pas que je suis devenu un homme différent après les avoir lus, mais ils m’ont profondément structuré. Tu sens à chaque ligne qu’une personnalité te parle, s’adresse à toi. Les grands livres qui te marquent ont une voix qui t’interpelle, qui te tend un miroir. Tu sens l’auteur derrière la plume, tu rentres en conversation avec lui. Parfois, tu peux te demander comment tel ou tel auteur que tu aimes aurait affronté une situation que tu affrontes. Et puis, ils ont en commun une forme d’engagement dans leur siècle, de manières très différentes, eux-mêmes conversant avec d’autres auteurs … Le premier pour qui j’ai ressenti cela est certainement Montaigne. Tu as littéralement l’impression de discuter avec lui ! Discussion qu’on peut prolonger, d’ailleurs, en visitant sa demeure, remarquablement préservée. Comme François Mauriac à Malagar. Il faut visiter les maisons des grands écrivains !

L’écriture de ce livre a-t-elle révélé d’autres envies littéraires ?  50

Matthias Fekl : Au moment où ce projet de livre s’est concrétisé, j’étais un peu entre deux vies. Je ne savais pas encore si je souhaitais poursuivre mon engagement politique, je commençais à travailler dans un cabinet d’avocats. J’étais en phase de transition, les choses n’étaient pas encore fixées. Au fond, je pense que ce livre a contribué à clarifier ma vie, avec d’autres sujets personnels et professionnels, évidemment. Ne serait-ce que le choix du thème … Ecrire sur Cuba, si on est actif en politique, ça ne marche pas ! Ça m’a clairement donné envie d’écrire à nouveau. J’ai deux ou trois idées qui ont besoin de se préciser. (Sourires)

J’ai cru percevoir une certaine retenue dans le texte. Était-ce de l’ordre du conscient ?

Matthias Fekl : Je ne l’ai pas ressenti. Mais c’est un livre d’histoire ! Et dans un livre d’histoire, il me semble falloir retranscrire de la manière la plus honnête qui soit une situation, avec ses réussites et ses échecs. Mais la retenue n’est pas un défaut. (Sourires) Être capable d’écrire un roman resterait, à mes yeux, l’aboutissement ultime. Ecrire une œuvre de fiction qui soit une pure création de l’esprit me semble un exercice beaucoup plus difficile que d’écrire un livre d’histoire tel que je l’ai fait.

On peut aussi écrire un livre mêlant grande histoire et fiction …

Matthias Fekl : Oui. Un livre m’a énormément marqué récemment : « Retour à Lemberg », de Philippe Sands, qui lie histoire familiale et persécution des juifs en Europe. Il se rend compte que deux très grands juristes ont vécu à Lemberg, l’un forgeant le concept de génocide, l’autre de crime contre l’humanité, interrogeant la montée du nazisme à travers ce prisme mêlé à son histoire personnelle – c’est bouleversant, ce livre m’a ébranlé comme peu de livres depuis longtemps.

16Comment lisais-tu et écrivais-tu pendant ta période ministérielle ?

Matthias Fekl : Je lisais, notamment au Commerce extérieur, passant de fait beaucoup de temps dans les avions. Il n’y avait pas encore le wifi sur tous les avions, on pouvait donc lire au calme, en marge de la préparation des visites, après avoir absorbé les gros dossiers ! … Je me souviens ainsi avoir lu l’anthologie de la littérature iranienne au moment d’un déplacement en Iran, juste après l’accord nucléaire, dont « Vivre et mentir à Téhéran » de Ramita Navai. D’ailleurs, ce fut l’une de mes visites ministérielles où je ressentais à chaque moment le poids de l’oppression sur la société, alors que je n’étais pas citoyen du pays ! Du jardin – filmé depuis l’immeuble d’en face – de l’Ambassadeur de France aux chambres d’hôtel, le contrôle du régime était permanent. Ce fut un déplacement très marquant, avec celui effectué en Ukraine notamment à Marioupol. Je commençais alors pour la première fois « Vie et destin » de Vassili Grossman, alors que je me rendais dans le Donbass – un haut fonctionnaire m’a écrit au moment du déclenchement de la guerre pour me dire que j’avais été le seul membre d’un gouvernement français à m’y être rendu avant le début de la guerre, information que je n’ai pas vérifiée. Je n’oublierai jamais le courage – déjà ! – du peuple ukrainien, ni les espoirs des jeunes rencontrés là-bas, qui apprenaient le français et dont certains parlaient parfaitement notre langue sans jamais être venu en France. Nous leur devons aide et soutien, car ils se battent aussi pour nos propres libertés.

Comme stagiaire de l’ENA, tu as aussi travaillé à New York à un moment-clef, pour la représentation française à l’ONU …  17

Matthias Fekl : J’avais vingt-cinq ans, c’était hier. (Sourires) J’y étais de janvier à juillet 2003, juste avant et pendant la guerre en Irak, avec les grands discours de Villepin … J’étais beaucoup à New York, un peu à Washington. A cette époque, je travaillais beaucoup et lisais un peu moins. Mais je me suis tout de même rendu à Washington Square, sur les traces de Henry James, et la New York Public Library. C’est merveilleux ! Chez moi, d’ailleurs, j’ai tout un rayon de « livres sur les livres », ou de livres dont les auteurs parlent de leurs bibliothèques …

Un temps, mon père a été bibliothécaire au lycée français de Berlin ; je crois qu’il y était très heureux ! Ça m’a beaucoup marqué d’avoir des parents aussi attachés aux livres. Je n’aime pas trop les bibliothèques d’apparat, qui peuvent être très belles, mais où l’on ne sent pas une âme, un principe qui a présidé à leur composition. Je préfère sentir qu’une personne l’a patiemment assemblée et constituée.

Ecrivais-tu pendant ta période ministérielle ?

Matthias Fekl : Pour écrire, d’après moi, il faut des heures entières, des jours entiers dédiés uniquement à cela. Comme je l’ai fait un été durant, pour Cuba … Mais certains auteurs parviennent à écrire quelques minutes par-ci, quelques heures par-là. J’ai souvenir d’une lettre de Machiavel, à l’époque où il est banni de la cour de Florence, dans laquelle il raconte que pour écrire, il a besoin de se dépouiller de tout ce qui lui rappelle le fracas du monde, de se mettre à l’aise dans ses plus beaux vêtements et de s’installer seul dans sa bibliothèque ; c’est très beau.

52Un conseil de lecture, pour terminer ?

Matthias Fekl : Oui, je t’ai apporté mon exemplaire – dédicacé ! – de « Composition française » de la grande Mona Ozouf, une des plus belles réflexions, si ce n’est la plus belle, sur l’identité en général, et l’identité française en particulier. Pour ce faire, Mona Ozouf parle de son enfance, tiraillée entre l’identité bretonne à la maison et la République française à l’école, mais aussi l’Eglise, montrant en quoi le génie français vient, depuis longtemps, d’un brassage complexe d’apports multiples, irréductibles à une identité simpliste. Comme tous ses livres, son écriture est d’une finesse incroyable et d’une rigueur intellectuelle absolue. Par les temps qui courent, j’encourage tout le monde à le lire !

Toutes les “bibliothèques de politiques” sont là.

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