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Histoires de fantômes

Gabriel E B VNmtGJY Unsplash

Souvent l’Histoire résonne avec aujourd’hui. A Paris, Missak Manouchian, Mélinée et les 23 frères étrangers qui avaient mérité la nationalité française sont entrés au Panthéon. Ces hommes et ces femmes traqués, pourchassés, torturés et tués par les Nazis et la police française collaborationniste dont les héritiers tentent de se laver aujourd’hui, avaient été mis en image. La fameuse « affiche rouge » destinée à les discréditer. Elles les a de fait rendu éternels. A tel point qu’aujourd’hui, la France leur est reconnaissante. Sans être dupe des récupérations honteuses. Une affiche qui restera comme un dibbouk (fantôme en hébreu) pour les nazis criminels, pour les héritiers de la collaboration que sont les membres du Front National, devenu RN, mais aussi plus globalement pour tous ceux – rances – qui expliquent à longueur de tribunes et de débats sur les chaînes de télé complices que la France vient du sang et s’hérite alors que chacun sait, qu’au contraire, la France est une idée, pas un patrimoine.

Détour historique qui résonne avec un autre Dibbouk. Récent celui-ci. Son nom : Alexeï Navalny, tué par le régime totalitaire du nazi d’aujourd’hui : Vladimir Poutine. Il a tué son opposant après l’avoir emprisonné dans une cellule de 4m2 avec une soupe quotidienne pour repas. Le crime de Navalny ? S’être opposé au totalitarisme, à l’arbitraire, à la dérive dictatoriale de Poutine. Il voulait le faire taire, il l’a rendu éternel, lui, avec sa gueule d’ange et les principes qu’il défendait. La mort de Navalny signe le début de la fin pour Poutine comme l’exécution des Français, nos frères et sœurs de l’affiche rouge avait signé le début de la fin des collabos et des nazis.

Détour historique qui nous emmène à la littérature. Celle de Gary (oui, encore) et à sa « Danse de Genghis Cohn » dans laquelle il imagine le calvaire de “Hauptjudenfreser Schatz”, hanté par l’esprit (le dibbouk) de Moïché Cohn, comique Yiddish qui lui a montré son cul au moment de son exécution. Comme un sparadrap du capitaine Haddock en quelques sortes.

Des circonvolutions qui conduisent aussi à l’Art. Aragon, l’affiche Rouge. Léo Ferré. Cet art qui met en mémoire et en image les fantômes que les uns et les autres veulent oublier ou faire oublier.

Manouchian, c’est le Dibbouk de nazis, et du RN. Jamais, ils ne pourront se laver de son exécution. Même avec des cheveux blonds et un sourire. Navalny, c’est le Dibbouk de Poutine.
Reste une chose : prendre garde à ce que la mort de Navalny ne devienne pas le dibbouk de l’Europe pour son soutien mou à l’Ukraine que Poutine détruit. Le Dibbouk de nos renoncements devant l’arbitraire. Car l’histoire le montre : on ne se défait jamais vraiment de son dibbouk.

Le 25 février 1830, à la Comédie Française, se joue pour la première fois la “bataille d’Hernani” de Victor Hugo. Dans cette pièce Hugo dynamite le théâtre et réinvente ses formes. Il brise notamment les canons du théâtre classique à savoir les trois unités de temps, de lieu et d’action. Nous sommes le 25 février 2024. La bataille d’Hernani, la nôtre, celle des démocrates humanistes qui aiment l’art est double : éviter que l’Ukraine abandonnée ne devienne notre Dibbouk et empêcher les réécritures de l’Histoire qui prennent les gens pour des abrutis. Pour que les fantômes d’hier ne viennent pas hanter aujourd’hui. Pour cela, un levier : casser les codes classiques. Comme dans Hernani.

Bon dimanche,

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