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Vivre pour eux…

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“Nous nous taisons, debout et graves, chapeau bas, tremblant devant ce deuil qu’on ne console pas.” Des mots qui résonnent tout particulièrement ce matin alors que nous commémorons les six ans des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. 131 morts. Une sidération toujours présente. Une plaie toujours ouverte. Encore plus béante qu’à l’accoutumée puisque cette année cela vient résonner avec les témoignages du procès “hors normes” auquel nous sommes en train d’assister. “Hors normes”, c’est l’expression usitée par les journalistes. Un tribunal a même été construit pour l’occasion tant ce qui nous est arrivé ce jour-là n’est pas “hors normes” mais simplement “anomal”. Toujours tremblant “devant ce deuil qu’on ne console pas” et devant ces témoignages d’une grandeur et d’une dignité immenses portés par les familles des victimes. Tremblant mais fier d’une humanité si belle, si grande, si intelligente, si normale finalement. Certains et certaines auront peut-être reconnus l’extrait du poème de Victor Hugo “souvenirs de la nuit du 4” dans lequel il se demande pourquoi a-t-on tué un enfant ?

Dans nos souvenirs de la nuit du 13, les mêmes questions furent posées. Dans nos souvenirs de la nuit du 13 et de celles d’après, des pansements aussi sont venus, un peu, apaiser notre douleur collective. Des chants. Des notes de musiques. “Don’t look back in anger”… Des mots aussi. Ceux du “Feu” d’Henri Barbusse qui concernent, certes, la guerre de 14-18 mais qui comme les mots des grands livres sont universels. “Et tandis que nous nous apprêtons à rejoindre les autres, pour recommencer la guerre, le ciel noir, bouché d’orage, s’ouvre doucement au-dessus de nos têtes. Entre deux masses de nuées ténébreuses, un éclair tranquille en sort, et cette ligne de lumière, si resserrée, si endeuillée, si pauvre, qu’elle a l’air pensante, apporte tout de même la preuve que le soleil existe.”

Alors que nous tremblons toujours, la réponse vient encore de l’art qui vient nous aider à aller plus loin. Qui vient, surtout, accompagner notre humanité en lui créant un langage commun. “Ne t’en fais pas. Tu as toujours écris jusqu’à présent, et tu continueras. Ce qu’il faut c’est écrire une seule phrase vraie. Écris la phrase la plus vraie que tu connaisses,”  écrit Hemingway dans “Paris est une fête”.
 Certes, il nous parle de l’écriture mais pourrait tout aussi bien nous parler de la vie. De la nécessité de vivre vrai. En vivant pleinement, au présent. Le fameux réel qu’il faut accepter et embellir de Clément Rosset.  Le deuil nous fait toujours trembler. Il est là. Pesant et sidérant. Mais la vie nous attend. L’art aussi nous attend.

D’ailleurs, est-ce un hasard si Marcel Proust a publié à compte d’auteur, faute d’éditeur “Du côté de chez Swann” un 14 novembre ?
Pour ne pas l’oublier, tremblons toujours du deuil. Mais créons les amis.

Bon dimanche,

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