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Riche humanité !

Mars

“Aucun artiste n’est artiste de façon continue, tous les jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; il ne parvient à produire quelque chose d’essentiel, de durable, que lors de quelques rares moments d’inspiration. Il en va de même pour l’Histoire ; nous admirons en elle la plus grande poétesse et la plus grande actrice de tous les temps ; pourtant elle ne crée pas en permanence. (…) Il se produit un nombre considérable de faits banals, sans intérêt. Ici, comme partout dans l’art et dans la vie, les moments sublimes, inoubliables, sont rare. (…) Il faut toujours que des millions d’heures oisives s’écoulent dans le monde avant que n’apparaisse une heure d’une réelle importance historique.” Ces mots sont tirés du livre de Stefan Zweig “Les très riches heures de l’Humanité” dans lequel il choisit les instants clés de ce qu’il nomme les grands bonds en avant de l’histoire humaine pour les raconter. Souvent, il s’agit d’une nuit, de quelques heures pour que les destins basculent. C’est cela que l’histoire est capable de créer. C’est cela que l’Humanité est capable d’engendrer. Dans ce livre Zweig raconte – par exemple – la prise de Byzance, la façon dont Haendel alors malade écrivit le temps d’une nuit son dernier oratorio ; il détaille également l’écriture de la Marseillaise ou la Révolution de 1917 en Russie. Instants clés qui modifient durablement le cours de l’histoire avec un grand H mais aussi de nos petites histoires humaines.
Peut-être que cette semaine, nous avons assisté à l’un de ces instants. Alors que l’humanité traverse une pandémie phénoménale et qu’elle ne sait plus vraiment se projeter à quinze jours, le robot Perséverance (cela ne s’invente pas) s’est posé sur Mars, nous a envoyé des images puissantes, va contribuer à chercher des traces de vie et préparer – peut-être – l’envoi d’un humain sur mars dans les prochaines années.
Comme si cette conquête spatiale, un temps laissée de côté, était de nouveau l’un des horizons de l’Homme. Être social par excellence qui a forcément le besoin de chercher ailleurs. D’aller explorer. De grandir par un apprentissage. Peut-être cette semaine avons-nous vécu l’un des moments “riches” de l’Humanité.

Avec cette mission, issue de la collaboration de différents pays, dont l’un des ingénieurs nommé ambassadeur de Mars par la Nasa s’appelle Noureddine Melikechi et est un immigré algérien aux USA. Alliance de différents savoir-faire, cette mission est l’un des symboles du génie humain. De notre capacité à nous mettre les uns avec les autres en vue d’un objectif commun qui nous dépasse. Un peu comme quand les révolutionnaires de 1789, venus de toute la France, suivirent Rouget de l’Isle qui venait de composer la Marseillaise. Comme si, alors que la pandémie est là et nous tétanise, cette mission Perseverance, venait nous rappeler à quel point l’humanité est pleine de génie.

Cette riche heure est celle du présent. Elle résonne avec une heure terrible mais sublime du passé. C’était un lundi. A 15h. C’était également au mois de février, le 21 comme aujourd’hui et il y avait aussi du soleil. C’était en 1944. Ce jour-là les résistants venus de toute l’Europe du groupe Manouchian sont exécutés par les nazis au Mont Valérien. Dans la lettre écrite quelques heures avant d’être fusillé qu’il laisse à sa bien aimé Mélinée, Missak Manouchian écrit : “Je m’étais engagé dans l’Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense.” Et il ajoute : “Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps.  Bonheur à tous…” 
Entre ces deux événements qui paraissent aux antipodes : la même foi dans l’humanité. La même capacité de l’Homme à s’engager pour quelque chose qui le dépasse, qui lui permet de se surpasser et – même – d’affronter l’idée de la mort. Riches heures de l’humanité. Alors, évidemment, on pourra rétorquer qu’il y a aussi des heures sombres. Profondément. Et si nous cherchions partout les parts d’humanité et de génie humain ?

Bon dimanche plein de génie humain,

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