1 min

Un silence bruyant

Le Livre Du Vendredi Twitter 1000x500(55)

Et si la fiction avait plus de force pour dire les errements du monde ? Et si la fiction pouvait mieux faire comprendre le monde que des articles de presse ? C’est peut-être l’une des raisons qui a poussé l’excellente journaliste Delphine Minoui (Prix Albert Londres, nous l’avions interrogée ici au sujet de son dernier essai). Grand Reporter pour le Figaro, en Turquie notamment, Delphine Minoui y place l’intrigue de son très réussi premier roman. C’est l’histoire de Göktai et d’Aykla et de la Turquie d’aujourd’hui. “Göktay est professeur à l’université du Bosphore à Istanbul. Idéaliste, adoré de ses étudiants, il a séduit Ayla, professeure de français, avec un poème. La vie est douce quand on est jeunes, amoureux et parents comblés d’une petite fille. Mais Göktay refuse de vivre dans une bulle. Pour avoir signé une pétition de plus, une pétition de trop, il est arrêté et jeté en prison. La répression menée par le président Erdogan s’abat, féroce et violente. Des milliers d’activistes, de journalistes, de fonctionnaires et d’universitaires sont réduits au silence par un pouvoir cynique, habile à manipuler l’opinion”, apprend la 4e de couverture.

Un roman subtil sur la Turquie contemporaine

Un matin, Göktay qui avait signé la pétition de trop est arrêté. Ayla manque de s’effondrer, se mobilise. Reprend espoir, reperd espoir alors que son mari reste en prison et que Deniz, sa fille ne comprend pas. Ce roman subtil, documenté et rempli tantôt de rage, tantôt d’amour et de finesse est un délice de lecture. Pour comprendre ce qui meut les hommes et les femmes dans les pays dictatoriaux, mais aussi pour comprendre la Turquie contemporaine et la réélection probable de Erdogan, qui pourtant est en train de détruire l’histoire et la beauté de ce pays ainsi que le racontent Göktay et Ayla.  Rien n’est oublié. La dépression de Göktay en détention, et une forme d’art qui lui permet de tenir. La mise sous coupe réglée du pays par Erdogan après la tentative de coup d’Etat de 2016, la difficulté d’être un opposant etc. Un roman qui constitue aussi la réponse parfaite à tous ceux qui considèrent que la France est une dictature. La Turquie en est une, elle. Ce roman le montre avec force. Un roman qui est aussi une puissante histoire d’amour.  Avec une adresse d’écrivaine et de conteuse, Minoui brosse des portraits tout en subtilité, et emmène le lecteur à la rencontre d’être plein d’idéaux, de courage, de colère et de force. Un livre que l’on referme à regret et qui fait grandir. A lire !

“L’alphabet du silence”, Delphine Minoui, L’iconoclaste”

Tous les livres du vendredi d’Ernest sont là.

Laisser un commentaire