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Armée de mots

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Comment un poème de résistance a-t-il pu en 1942 circuler à la barbe des censeurs dans la France de Vichy ? C’est la question qui engendre le roman puissant de Xavier Donzelli qui vient de paraître chez Seghers. S’intéressant à la création même du poème de Paul Éluard, devenu emblème de la résistance au nazisme et à la collaboration de l’extrême droite française avec les Allemands, Donzelli en romancier, emmène le lecteur aux côtés d’Éluard et Nusch, de Max-Pol Fouchet, et de tous ces hommes et femmes qui résistèrent à la négation de la liberté en créant pour vivre. Créer c’est résister dit l’adage. Il n’a jamais été aussi bien incarné que dans ce qu’ont fait Éluard et ses collègues artistes, poètes, journalistes et intellectuels, en imaginant des journaux, des revues, des tracts et des poèmes pour réveiller l’esprit des Français quelque peu anesthésiés par la défaite de 40, par la terreur des nazis et des milices de Vichy et par une forme d’impuissance.

Immense promesse romanesque

Le livre aurait pu être un livre d’historien, il est un roman. Un vrai. Éluard et Nusch parlent, doutent, se disputent, et vivent devant les yeux des lecteurs. C’est là toute l’habileté du primo-romancier Donzelli : imaginer les mots, les envies, les désespoirs qui furent ceux des artistes durant cette période et surtout comment Éluard a réussi à être l’auteur de ce poème, son fameux « Liberté » qui deviendra l’emblème de la résistance. Le roman, découpé, en chapitre dont chacun a pour titre un vers du célèbre texte d’Éluard constitue une plongée magistrale dans la France de l’occupation, dans ces appartements, dans ces arrières salles, dans ces cafés au sein desquels les artistes imaginaient une résistance par les mots et les formes et qui restera ensuite comme un art universel qui cimente notre collectif. Lisant ce roman, la chanson de Léo Ferré “Des armes” vient à l’esprit.

“Des armes au secret des joursSous l’herbe, dans le ciel et puis dans l’écritureDes qui vous font rêver très tard dans les lecturesEt qui mettent la poésie dans les discours”

Le livre pourrait s’essouffler ou se perdre dans les détails, il n’en est rien. La promesse romanesque est tenue et le livre constitue à la fois un document passionnant sur toute cette période puisque Donzelli a fait des tas de recherches mais aussi et avant tout un roman magistral, plein d’inventivité et de force romanesque. Une illustration de « cette espérance insensée » de l’écriture qui animait Éluard. Un roman qui vient rappeler la réussite magistrale – car il a la même force – de Gaëlle Nohant dans “Légende du dormeur éveillé”  (ici et ) autour du personnage de Robert Desnos. Quand le roman magnifie tout. Une découverte Ernest, à ne manquer sous aucun prétexte.

Et par le pouvoir d’un mot, Xavier Donzelli, Editions Seghers, 20 euros.

Tous les livres du vendredi d’Ernest sont là.

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