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Dans la ligne de mire

Couvdepliee Manotti

Chaque mois, au gré de ses flâneries en librairie, Tanguy Leclerc se laisse happer par la couv d’un livre. Après l’avoir lu, il nous dit si le ramage est à la hauteur du plumage. Cet été, son regard a été attrapé par un œil accusateur. Celui qui orne la couverture de Marseille 73. Un roman noir qui nous replonge avec effroi dans les ratonades qui ont secoué la cité phocéenne à la fin de l’été 1973. Une période qui a vu naître un racisme décomplexé sournoisement récupéré par le Front National, alors tout juste émergeant.

Kitschissime ! Tel est le premier mot qui vient à l’esprit en découvrant la couverture du nouveau roman de Dominique Manotti. Elle est même unique en son genre, comme échappée d’une époque révolue, car il faut bien reconnaître que l’on en trouve plus de la sorte à notre époque. Une cible, un homme abattu, un œil mystérieux, un fond rouge sang… tous les ingrédients des illustrations de romans policiers et d’espionnage des années 60-70 sont réunies.

Marseille 73Celle-ci est signée Stéphane Trapier, connu entre-autre pour sa collaboration avec le Théâtre du Rond-Point dont il réalise toutes les affiches. Sa création n’est pas sans rappeler les couvertures des aventures de Ric Hochet, personnage de BD créé par le scénariste A.-P. Duchâteau et le dessinateur Tibet, qui se caractérisaient par une composition quasi cinématographique.

L’originalité de la couverture de Marseille 73 vient également du fait qu’elle se construit sur la première et la quatrième de couverture : en ouvrant le livre, on découvre la totalité du regard qui vous scrute, ainsi que la présence de Notre Dame de la Garde, la Bonne Mère, qui surplombe la cité phocéenne.

Une ville où, à l’époque des faits, 40 000 Algériens logés dans des HLM en périphérie côtoient environ 100 000 pieds-noirs rapatriés. Parmi eux, des nostalgiques de l’Algérie française qui, onze après les Accords d’Evian, entretiennent une haine et une rancœur intactes à l’encontre des « arabes ». À commencer par les anciens activistes de l’OAS dont certains, amnistiés, ont été intégrés dans l’appareil d’État et la police sans pour autant avoir renoncé à leurs convictions idéologiques.