Auteur prolifique, David Foenkinos publie cette semaine un nouveau roman “Deux soeurs”. L’occasion, non pas d’aller lui parler de ce livre là, mais des livres qu’il lit. Et de le transformer en prescripteur de lecture pour les abonnés d’Ernest. Il a adoré ce jeu. Rencontre.
C’est autour d’un thé, à l’abri d’une pluie d’hiver que je retrouve David Foenkinos pour discuter littérature. J’ai envie de découvrir le lecteur derrière l’auteur, le lien qu’ils ont tous les deux et son amour pour les Belles-Lettres. La rencontre est douce et les mots flottent autour de nous, hors du temps. Une ode à la beauté.
Pourquoi écris-tu ?
L’histoire, parce que c’en est une même, commence à 16 ans lorsque je suis hospitalisé pour une longue durée. Je ne viens pas d’un milieu culturel et j’ai presqu’attendu cette maladie pour découvrir la littérature. Les mots m’ont fait me sentir vivant tandis que la mort était là. Tout près. Me narguant presque. Ils m’ont appris à me battre.
J’y ai décelé la sensualité qui, à cet âge est inaccessible, au bord de l’utopie. J’ai plongé dans un monde où l’émotion balayait le reste.
Je crois que c’est le début d’une obsession qui ne prendra pas fin. L’écriture, c’est organique. Je suis un boulimique, un auteur à personnalité multiple. Peut-être ai-je besoin d’être comblé par l’avalanche, l’effusion, de projets ? Il y a un véritable rapport au vide. Le néant. Aussi terrifiant que nécessaire.
Le classique qui te tombe des mains ?
« L’homme sans qualités » de Robert Musil. Je ne comprends d’ailleurs pas. Ce livre a tout pour plaire. Le titre. Le sujet. Même le nom de l’auteur m’impressionne. Honnêtement, je me trouve décevant. Un jour je m’y remettrai.
Le livre qui t’a donné le goût de la lecture ? Pourquoi ?
« Belle du Seigneur » d’Albert Cohen. L’imaginaire du roman m’emporte. C’est un texte hilarant, vraiment. La beauté des mots, la puissance des personnages, le ton enlevé. Tout y est. J’hésite aussi avec Milan Kundera qui m’a énormément nourri.
Celui que tu aurais aimé écrire ?
« Les particules élémentaires » de Michel Houellebecq. Je suis impressionné par la puissance du style et de l’humour. Le titre est parfait. Je pense aussi à « Un homme » de Philippe Roth. La maladie et la vieillesse sont des sujets qui me parlent, évidemment, et l’auteur les traite avec adresse.
Le héros et l’héroïne de roman que tu aurais voulu être ?
Solal. Pour sa folie, son panache, son absolue mélancolie. Et pour l’héroïne, sans hésiter, j’aurais aimé être Anna Karenine. Le destin de ces femmes russes où beauté et illusions deviennent une tragédie
Le premier livre que tu as acheté avec ton argent de poche ? 
« Lolita » de Nabokov. A 16 ans, donc à la sortie de l’hôpital. Nabokov est un auteur sublime. Ça me donne envie de le relire.
Le livre que tu offres à un premier rencard ?
Il y en aurait deux. « Capitale de la douleur » de Paul Eluard, car il n’y a rien de mieux que de commencer une histoire sur de la poésie. Sinon, « L’amant » de Marguerite Duras, au moins, c’est honnête. Les cartes sont posées.
Le livre que tu as honte de lire avec plaisir ?
Je n’arrive vraiment pas à répondre à cette question. Je crois que tout m’intéresse, et je ne me vois pas éprouver une honte à lire un livre. Mais si je dois choisir, cela pourrait être les livres croustillants sur la vie politique ou autre. Les versions littéraires de Closer.
Le livre que vous avez en commun avec la personne qui partage ta vie ?
Je dirai Marc Pautrel. Ou Yann Moix.
A l’avenir, quelles lectures veux-tu transmettre à tes enfants ?
Sans aucun doute, l’œuvre de Charlotte Salomon.
Le livre qui te fais toujours pleurer ?
« Jane Eyre » de Charlotte Brontë.
Celui que tout le monde aime et que tu détestes ?
Détester est un mot un peu fort ! Mais disons que je ne raffole pas de Zola ou Balzac. Je préfère Flaubert, de très loin.
Le livre pour ton meilleur ennemi ?
Ulysse de James Joyce, pour son poids.
Son nouveau roman « Deux sœurs » a paru le 21 février 2019 aux éditions Gallimard…



