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Camille Emmanuelle : “Écrire pour donner du sens à la vie”

Camille Emmanuelle 2019 @Gilles Rammant 1

Camille Emmanuelle est une auteure puissante, prolifique et touche-à-tout (essais, fiction, littérature érotique). Nous avons eu envie de partir à sa rencontre pour l'Apostropher sur ses lectures. Virginie Bégaudeau l'a rencontrée.

Avec la pétillante Camille Emmanuelle, nous étions autour d’un café. Nous avons parlé de son dernier roman « Le goût du baiser », (Collection L'ardeur), avec lequel j’ai retrouvé le plaisir de lire de la sexualité sans clichés, sans niaiseries. A mettre entre toutes les mains, même celles des plus jeunes. Une belle entrée dans cette nouvelle collection.
Alors, malgré nos plannings serrés, nous avons partagé un joli moment. Et Camille, ce n’est pas seulement une auteure, c’est aussi une lectrice amoureuse des mots, qui les dévore et les manie avec envie. Entre littérature classique et émotions, c’est le portrait d’une femme passionnée qui répond à mes questions.

Pourquoi écris-tu ?

Le Gout Du Baiser 1Je pourrais répondre : parce que c’est le seul moyen de donner du sens à ce grand bordel qu’est la vie. Mais je dirais plutôt : parce que je ne sais faire (presque !) que cela ! C’est une envie très ancienne. En primaire déjà, j’écrivais en primaire des histoires qui faisaient la longueur des cahiers de brouillons. C’est-à-dire que quand il restait deux pages de cahier, vite je me précipitais à pour terminer l'histoire, même si ça n’avait aucun sens, haha ! Après, ado et adulte, j’ai arrêté la fiction. Je suis devenue une grande lectrice, et cela me semblait très prétentieux d’écrire une nouvelle ou un roman. Comment pourrais-je oser écrire, moi, alors qu’il y avait tous ces auteurs, morts ou vivants, si talentueux ? Mais j’ai continué à écrire, via le journalisme. Et plus tard la rédaction d’essais, sur les questions de sexualités. Le but de l’écriture était de donner la parole aux autres, de raconter leurs parcours et leurs singularités. Sachant que dans ces essais et dans ces articles, il y a toujours beaucoup de narration et de subjectivité : j’utilise le « je ». Je me suis lancée dans la pure fiction avec Le Goût du baiser, j’ai enfin fait un petit « fuck » aux fantômes-auteurs qui me disaient : « comment ça tu vas écrire un roman ? »

Qu'est-ce que tu préfères dans la littérature érotique ? Et quel est ton classique ?

Elle est parfois à tort considérée comme un sous-genre, alors que pour moi c’est un genre très difficile, exigeant, limite casse-gueule. Et une grande source de bonheur, en tant que lectrice ! J’ai plus appris sur la sexualité humaine, et sur ma propre sexualité, en lisant de la littérature érotique et pornographique que dans les pages « sexos » de Biba. Car on y trouve de la liberté, de la sublimation, et de la complexité. Le premier texte érotique qui m’a marqué, ce doit être Vénus Erotica, d’Anaïs Nin.

Le classique qui te tombe des mains ?

Si un livre me tombe des mains, j’arrête au bout de quatre pages. Il y a assez de romans géniaux, qui vont me plaire, dans ma vie, pour ne pas perdre du temps à lire un livre parce ce qu’il faut le lire. Donc je peux avouer que je n’ai lu que quatre pages de Proust, par exemple. Pas parce que c’est mauvais, mais juste je ne suis pas du tout rentrée dedans. Par ailleurs, quand j’étais en Hypokhâgne et Khâgne, j’ai « bouffé » du classique en veux tu en voilà. Donc après j’ai fait un petit rejet des classiques. Je me souviens l’été de mes 20 ans, je suis rentrée dans une librairie, et suis sortie, heureuse, avec sous le bras une dizaine de livres que je n’avais pas pu lire pendant deux ans : des polars, des romans américains contemporains, des romans cubains, des BD, de l’érotique, et même je pense de la chick lit !

Aujourd’hui j’essaie de lire des classiques, mais j’ai du mal. Mon mec est capable de passer un été avec Dostoïeski. Je l’admire beaucoup. Moi je suis à côté de lui, sur le transat, à lire les romans de Kurt Vonnegut, et à rire comme une baleine.