Quand deux auteurs : Giacometti/Ravenne mêlent roman d'aventure et questionnement philosophique avec un héros commissaire de police et franc-maçon, chez Ernest, on adore. La sortie de leur nouvel opus, "Conspiration" a été l'occasion d'une discussion passionnante sur leur travail d'écrivains et sur le conspirationnisme. Entre autres.
Tels des métronomes, presque chaque année, Eric Giacometti et Jacques Ravenne publient une nouvelle aventure de leur commissaire franc-maçon, Antoine Marcas. Dans ces polars ésotériques de très bonne facture, on croise les légendes des Templiers ou du Graal, mais aussi, les sociétés secrètes comme les Illuminati ou les Skulls & Bones. A chaque nouvelle aventure deux ingrédients : d'abord le rythme. Les Marcas sont des polars rythmés, des livres d'aventure puissants. Deuxième élément caractéristique : chacune des histoires nous amène à réfléchir à telle ou telle légende, ou telle ou telle société secrète. Lire un Giacometti/Ravenne, c'est à la fois lire un conte de fée pour adultes et réfléchir à la portée de celui-ci. Le plaisir n'est jamais loin quand on allie ces deux ingrédients. Il était donc normal, pour Ernest, média qui veut décloisonner tous les genres littéraires d'aller discuter avec Giacometti/Ravenne de Marcas, de la franc-maçonnerie, de l'ésotérisme, du complotisme et de littérature. Entretien au long cours avec deux auteurs qu'il faut connaître !
Question traditionnelle d'Ernest : pouvez-vous nous pitcher votre nouveau roman : "Conspiration"
Jacques Ravenne : Je crois que Conspiration, c’est la volonté de mettre en récit une véritable société secrète. Non pas une fiction, mais l’histoire d’un groupe d’hommes - les Skulls and Bones - qui depuis leur création au 19ème siècle ont eu comme seul but de s’établir au sein de l’establishment et de le diriger. Au fond, la question sous-jacente du livre est de se demander ce qu’il adviendrait si une société secrète décidait un jour de faire le bien des hommes.
Dans Conspiration on retrouve Marcas, votre commissaire fétiche qui est Franc-Maçon. Qui est Marcas ? Comment l’avez-vous créé ? Pourquoi devient-il plus noir au fur et à mesure des livres ?
Eric Giacometti : Le personnage est né d’une engueulade avec Jacques. J’étais journaliste au Parisien, je faisais des enquêtes sur les Franc-Maçons corrompus de la Côte d’Azur. Nous étions à la fin des années 90. Le Procureur De Montgolfier avait ouvert des enquêtes dans lesquelles les liens maçonniques apparaissaient et pas sous un jour lumineux. Durant ces reportages, j’ai aussi rencontré des Maçons qui n’avaient que Franc-Maçon que le nom.
A chaque fois que l’on se voyait avec Jacques, il me reprochait de faire des généralités sur la maçonnerie et me disait que ces « maçons » là n’étaient pas des vrais maçons. Les discussions étaient animées. Marcas est né de là. De la volonté de montrer la maçonnerie ordinaire telle quelle est. Ensuite, il est flic car nous voulions écrire du polar. Dernière composante : l'ésotérisme. Car cela nous a fasciné quand nous étions gamins : les templiers, l’affaire de Renne-le-Château etc…Tout cela est de l’ordre du merveilleux et du conte de fée pour adulte. Notre chance : au moment où nous avons proposé le premier manuscrit de Marcas (Le Rituel de L'ombre, NDLR), le Da Vinci Code venait de sortir. C'est ainsi que sont nés Marcas et la série. Aujourd'hui, Marcas évolue avec la société. Il est plus sombre et doit faire face aux obscurantismes et au complotisme.
Dans ce dernier roman la conspiration vient d’une société secrète réelle qui a pignon sur rue. En général dans vos livres, vous partez toujours du réel pour ensuite tisser une fiction. Comment travaillez-vous là dessus ? Sur les premiers Marcas, à la fin du livre, il y avait une annexe qui démêlait le vrai du faux. Plus maintenant…Pourquoi ?
Jacques Ravenne : C’est intéressant car vous êtes le premier à nous poser la question. Pourquoi n’y a-t-il plus d’annexe ? Jusqu’à maintenant nous prenions des sociétés secrètes pour créer un possible sous forme de fiction. Le possible peut ne pas arriver. Là, avec les Skulls and Bones, quand on a fouillé leur mode de fonctionnement et les ressources financières de cette société, nous nous sommes aperçus que notre fiction n’était plus seulement possible, mais qu’elle devenait probable. C’est vraiment dans ce passage du possible au probable que se situe l’originalité du livre. Et c’est parce que les choses sont probables qu’une annexe n’est plus nécessaire.
Eric Giacometti : On a aussi remarqué que les gens allaient vérifier. Après, au départ, pour être honnête, nous l’avons fait en réaction au Da Vinci Code. En effet, même si ce livre est vraiment génial, les deux premières pages partent d'un postulat faux et on ne le dit pas au lecteur. Nous ne voulions pas brouiller le rapport à la vérité.
Vous avez une passion pour l’ésotérisme et le merveilleux. D'où vous vient-elle et pourquoi avez-vous eu envie de remettre cette discipline au goût du jour ?
[caption id="attachment_3174" align="alignleft" width="313"] Eric Giacometti - Crédit DM[/caption]
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