Sur Ernest, toutes les littératures ont le droit de cité. Les livres érotiques aussi donc. Ainsi tous les mois, Virginie Bégaudeau auteure de littérature blanche et érotique, recense pour les lecteurs et les lectrices d’Ernest les livres et BD érotiques qui égayent les sens. Le tout en faisant passer son ressenti de lectrice. La température monte gentiment et il y en a pour tous les goûts : du porno, de l’érotisme, du SM, etc… Bonnes lectures les coquins !
Fine et poétique – “La chambre de verre”, Axel (Dynamite)
Certaines images accompagnent des mots quand d’autres parlent pour eux.
En ouvrant « La chambre de verre », c’est exactement ce que j’ai ressenti. Une véritable poésie s’en dégage et la pornographie n’est plus l’essentiel. La narration ne commence qu’après sept planches, j’ai le temps de plonger au cœur de l’intimité exhibitionniste qu’Axel nous offre, de comprendre, d’apprivoiser le décor et l’héroïne.
Le trait est doux, précis, mais ne laisse rien à l’imagination. C’est ce subtil mélange qui m’a permis d’apprécier l’histoire, somme toute très simple, et ce qui l’accompagne. J’ai aimé le thème : actuel. Entre réseaux sociaux, voyeurisme et web-réalité. « La chambre de verre » est la rencontre entre Flavia, une quadragénaire, qui partage son plaisir avec des inconnus, et Marco, un électricien dont la place est difficile à trouver dans cette mise en scène permanente. La vie de Flavia est une allégorie de la prison de l’audience et du regard d’autrui. Exister au travers un écran et être à l’abri d’une société, de l’humain, et pourtant être une femme libre. L’analyse de « La chambre de verre » est particulièrement intéressante dans ce cas d’indépendance et de tolérance.
Alliance idéale du sexe et de la délicatesse
Loin des clichés de la pornographie, l’auteur pose deux personnages réalistes, ne sur-jouant ni son dessin ni son texte. En peu de pages, j’ai eu ce sentiment d’être, à mon tour, voyeuse, mais également témoin. Témoin d’une romance, témoin d’une liberté entre deux adultes responsables, témoin d’une prise de conscience. J’ai adoré cette position tout en équilibre.
La plus belle qualité de l’œuvre d’Axel est la finesse. Cette capacité à m’avoir fait oublier que je lisais de la pornographie sans pour autant m’en ôter l’excitation. Pour une première lecture du genre ou pour les amateurs « La chambre de verre » est une alliance idéale entre sexe et délicatesse.
Du porno à l’état pur. “La Pharmacienne“, Esparbec (La Musardine)
« Les chattes ne font que des chiennes », j’ai clairement su ce que j’allais lire.
Esparbec n’est pas un auteur érotique. C’est un pornographe. Un vrai. Esparbec, c’est un style brut d’où la force vient de sa maîtrise. Dans « La pharmacienne », il y a ce rythme soutenu, parfois agressif. Une verve transparente qui ne ment à personne. Quand je lis Esparbec, je sais exactement où je vais, je ne tourne pas les pages pour admirer du beau texte. A mesure que je glisse dans cette luxure particulièrement machiste, je l’avoue, j’ai l’impression que ce n’est jamais assez violent. J’en veux encore plus. Je m’efface devant la forme, c’est l’excitation qui a pris la place.
L’excitation prime sur tout
Dans « La Pharmacienne », je retiens l’amoralité de l’histoire, celle de Bertrande, fille de la pharmacienne Laura, cousine de Jérôme et de son beau-père, dit Beau-P. Il y a aussi Ernest, un ancien taulard. C’est le récit d’une soirée où à la fin tout le monde aura eu sa part de « baise ». J’aime l’idée que l’action reste en famille, que le vice des protagonistes soit appuyé par leurs défauts physiques. Il y a de l’inceste, un des plus gros excitant du roman, il y a un bout de vérité, pour vous et moi, mon voisin, votre collègue, entre réalité et fantasme.
J’ai également envie de coupler « La Pharmacienne » avec sa version illustrée : la bande-dessinée d’Igor et Boccere. La BD met l’accent sur les passages clés du roman. J’ai gagné dans l’illustration, la physionomie pose le caractère des héros. Tout est plus sale, plus vrai. Dans ces 64 pages, j’ai évidemment perdu quelques moments, j’en ai toutefois redécouverts sous un angle plus intéressant.
C’est l’association de ces deux supports qui m’a permis d’apprécier l’œuvre en son intégralité. A lire pour les amateurs du genre.
Et si tout commençait ici ? – “Venus Erotica”, Anaïs Nin (Livre de Poche)
La genèse de « Venus Erotica » est aussi fascinante que le texte lui-même. Lorsque Henri Miller demanda à son amante Anaïs Nin d’honorer la commande d’un collectionneur privé, il ignorait que la voix de la littérature érotique féminine allait résonner pour longtemps à travers ce texte. « Venus Erotica » c’est l’inspiration d’histoires vraies, de confidences, de fantasmes. Ce qui devait divertir un homme compromet, à son aveu, la féminité de l’auteur, mais devient l’une des plus grandes œuvres du XXe siècle.
S’il y a un seul livre érotique à lire c’est celui-ci
Au travers ces quinze nouvelles, explosant de sexe et de poésie, j’ai osé déceler la sensualité et l’utopie de la sexualité. Contrairement aux textes dits « réalistes », « Venus Erotica » est un bijou lyrique sans manquer d’excitation. C’est cru. C’est explicite. C’est l’alliance parfaite entre la littérature et la pornographie. La richesse de ses personnages, de leur perception, de leur amour profond pour certains, sublime l’acte sexuel. J’ai tremblé sous la sulfureuse plume de l’auteur, portée par son sens de la mise en scène et de la mise à nu.
Mais ce que je préfère chez Anaïs Nin, c’est l’impudeur du désir. Le plaisir est particulièrement féminin, sous couvert de bisexualité, loin des stéréotypes du genre. En la lisant, je me suis également sentie combattante. Un retour dans les années 40 où il n’était alors pas encore question de liberté sexuelle. J’ai eu l’impression d’être la lectrice militante, amoureuse du beau verbe, de l’excitation et de la révolution.
Dans classique, il y a cette notion d’intemporalité, mais pour « Venus Erotica », j’ajouterai que c’est un pionnier. Alors si vous ne deviez lire qu’une œuvre érotique, lisez celle-ci, savourez-la, remerciez-la.
Un coup de cœur ! – “Giovanna ! Ah !”– Giovanna Casotto (Dynamite)
Veillot ? Vintage ? Dépassé ? A ces questions, je répondrais que l’œuvre de Giovanna Casotto est délicieusement désuète, jouant avec les clichés de son genre et de son sexe. Giovanna est l’une des rares femmes illustratrices présentes dans le milieu, mais également l’une des rares à se mettre en scène.
Il y a ce côté machiste que j’adore. La femme au cœur de ce qu’il y a à la fois de plus réducteur et de plus beau. Avec Giovanna, j’ai célébré les courbes, la coquetterie, le vampirisme et la manipulation. Et non, je ne suis pas révoltée.
Un air de « Sin City » dans le choix des couleurs, du noir et blanc, du rouge, bien sûr, pour sublimer dessous et bouche charnue, ce premier volume est une explosion de clins d’œil à des époques révolues et à celles à venir. J’ai retrouvé l’atmosphère des Comics de mon enfance, la rondeur des formes, l’exagération du type.
Jamais vulgaire, d’une finesse inouïe, l’illustratrice se moque d’elle-même et de nous tous. Dire ce qu’elle dénonce, je n’en ai pas la moindre idée, sans doute, mais ici, est-ce l’essentiel ? Je me suis contentée du plaisir des planches, d’admirer le travail en son entier.
Mélange d’humour et d’érotisme
Le dessin n’est pas réaliste, il ne cherche d’ailleurs pas à l’être, et représente le propre fantasme de l’auteur au travers des scénarios, essentiellement écrits par des hommes. Peut-être est-ce la pluralité des écrivains qui a donné ce ton enjoué et jouissif.
J’ai adoré le mélange entre érotisme pur et situation cocasses. Tout est trop court, trop rapide. Le personnage de Giovanna passe d’une femme robot à une tueuse à gages, d’une femme modèle à une supportrice de football. J’apprécie la diversité des histoires et l’esthétisme de l’image. J’ai la sensation de lire une BD refuge, une valeur sûre en matière de pornographie, car cela en est.
Dans ce genre littéraire, c’est clairement une réussite et un coup de cœur. Une œuvre que je savoure tant pour son trait que pour son humour. L’équilibre est trouvé. Je l’offrirai bien à tous les néophytes coquins que je connais !
Le huis-clos du malaise – “Culte”, Ian Soliane (La Musardine)
Le roman de Ian Soliane n’est pas étrange, il n’est pas dérangeant. Du moins pas seulement. Le malaise, je l’ai senti dès la couverture en attrapant le livre. Pour le reste, ce ne sont que sévices, esclavage, abnégation, et le malaise devient euphémisme.
Je suis immergée dans un stage Sadomasochiste rapporté par l’une des soumises qui n’a ni désir ni pensée. Mais de la douleur, il y en a. De la torture, de l’immoralité, aussi. Il y en a même tellement que je l’ai oubliée et j’en ai cherché davantage. Chapitre par chapitre, je n’ai pas su jusqu’où les maîtres allaient emporter leurs esclaves. J’ai été secouée. Parfois au bord de la nausée, j’ai été l’une d’entre eux. J’ai été avec eux. J’en ai demandé plus.
Au-delà du sujet, c’est tout un décorum malsain que j’ai découvert. Et j’ai aimé savoir que chaque nouvelle étape serait encore plus infecte. Neuf stagiaires-soumis, des maîtres fantasques. Parmi eux, une femme enceinte, une adolescente paumée, un homme qui se transforme en bébé, une Nounou, une actrice incognito. Rien ne m’a été épargné. De la violence physique au calvaire psychique, les résidents éphémères de la maison en briques rouges n’ont pas un mot à dire, obéissent, subissent, s’abreuvent de servilité. D’humiliation.
Un livre qui fait réfléchir
« Culte » a balayé, en une centaine de pages, les clichés de la pensée collective, les miens sans doute, a rejeté les fouets et le latex, les croix et les menottes. De littérature érotique, il n’a que la « classification de l’éditeur », les mots sont ailleurs. Ce n’est pas un livre sur lequel on se masturbe. Avec lui, j’ai réfléchi, j’ai cherché à comprendre pourquoi une telle histoire. C’est de la pure littérature où la violence n’est qu’une catharsis pour ces soumis déconnectés par l’adoration. La narration est brute, avec cette incroyable faculté de rendre humain des femmes, des hommes qui, un temps, se refusent à l’être.
[…] Les érotiques de votre été […]
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[…] pour les femmes. Des textes qui s’inscrivent dans la lignée d’Anaïs Nin (dont Virginie Bégaudeau vous parlait ici). Anaïs Nin qui en écrivant racontait le monde dans lequel elle désirait vivre. « Le sexe doit […]