Cet été, notre chroniqueuse Virginie Bégaudeau a décidé de titiller l’imagination des lectrices et des lecteurs. Elle a concocté une sélection qui navigue entre érotisme sensuel, excitation puissante et fantasme. Un moment à part que ces lectures !
Jeux de filles – Juan-José Ryp – Puissamment excitant
« Jeux de Filles » raconte les aventures lesbiennes de personnages aussi caricaturés qu’agressifs. Dans cette bande-dessinée, le graphisme est précis, réaliste, et il satisfera les amateurs du genre. Peut-être effrayera-t-il les novices, mais il me séduit déjà. J’aime la grossièreté qui se dégage de la première planche. Je sais où elle me mène, je sais dans quel état je vais finir.
De la pornographie classique. De la pornographie pure et sans surprise, mais efficace. Aucun érotisme ni délicatesse. Le coup de crayon accompagne ces six histoires, indépendantes et terriblement excitantes. Le noir et blanc me laisse le loisir de me fondre dans la scène en compagnie de Lola, Sonia, Monique ou Gladys. J’y retrouve des scénarios bien ficelés malgré l’extravagance de certains et la pauvreté des chutes plus que prévisibles. Mais entre deux étudiantes lubriques et une maîtresse domina en combinaison en cuir, je puise un réel plaisir de jeune vierge fébrile. C’est masturbatoire, clairement. C’est la mission que Juan-José Ryp réussit.
J’avoue apprécier la vision machiste de l’œuvre qui m’oblige à concilier aversion et perversion. C’est un succès, je ne résiste pas aux tableaux que je feuillète comme une adolescente en cachette.
“Je ne résiste pas aux tableaux que je feuillète comme une adolescente en cachette”
L’image de la lesbienne cochonne aux formes avantageuses et surdimensionnées est responsable de la réussite de cette BD. Fantasme de la gente masculine, fantasmes inavouée d’une grande majorité de femmes, cet album exhibe ce que l’on attend de lui. Du moins, ce que j’ai attendu en passant la couverture. Du sexe. Du bon sexe et un orgasme garanti.
La maîtrise de l’auteur espagnol, malgré des encrages parfois un peu chargé qui rappellent la bande-dessinée des années 70, des conquêtes spatiales et super héroïnes hypra sexualisées, agit sur moi comme un aimant. Un besoin d’être dans l’action et de savourer. Un besoin d’avoir sa part de plaisir dans un environnement qui se veut réaliste mais à des siècles de mon monde.
Une bande-dessinée à glisser dans sa valise pour l’été, à conserver au chaud dans sa bibliothèque et à utiliser en cas de libido quémandeuse.
Arthur et Janet – Corenette et Karo – Une véritable bulle de plaisir
Avec Arthur et Janet, c’est une ode au désir et aux plaisirs charnels que m’offrent Corenette et Karo. C’est aussi une ode à mon quotidien. Ils pourraient être mes amis et leur vie, clairement la mienne. Leur passion pour le sexe est contagieuse, elle l’est pour le lecteur surtout, elle devient même un fantasme au fil des planches. Sous toutes ses formes, à deux, à trois, à six, sans jalousie ni tromperie, les héros me partagent leur soif de luxure réaliste. Je veux les rejoindre, d’être cette voisine lambda ou cette fille rencontrée dans un bar, prête à partager les concupiscences de ces deux tourtereaux. Pourquoi ? Parce qu’ils sont accessibles et leur goût pour la jouissance, proche de la mienne. De la nôtre en général. L’originalité est que les auteurs parlent d’un couple, non d’un personnage isolé souvent aux prises avec les clichés de soumise ou dominante que l’on rencontre dans ce type de littérature. Il y a une forme de respect dans ces planches. C’est d’autant plus excitant.
Une passion pour le sexe contagieuse
Une bande-dessinée purement érotique qui joue dans un registre très différent. C’est sensuel, proche de moi et pourtant voyeur. La sensualité est liée à cette proximité que j’entretiens avec les héros. J’aime l’esprit journalier, non routinier, qui ajoute cette luxure où je ne l’attends pas. Ce frein entre vie de tous les jours et épanouissement sexuel que je recherche, comme beaucoup, au quotidien.
J’ai cette sensation d’être boostée à mon tour dans des aventures que j’imaginais interdite de part la nature conjugale de certaines situations. J’ai envie d’explorer, maintenant à deux, ce territoire de plaisirs illimités. Des orgasmes aussi voyeurs que physiques. Je peux l’atteindre avec une impulsion de familiarité, d’abord seule devant les coups de crayons de Karo, puis à plusieurs dans des conditions bien plus réelles.
Le format court est très appréciable. Bref, simple et jouissif. Il y a autant d’idées fortes que d’histoires, pas de place pour enrober. Un véritable travail d’équilibre entre le trash et la réalité, et malgré le style graphique de Karo, il n’y a pas de mièvrerie ou de fausses limites. Au contraire, l’impression de partager l’intimité d’Arthur et Janet est d’autant plus puissante. Une véritable bulle d’extase et d’amour. De douceur surtout. Une promiscuité jouissive. Arthur et Janet me rappellent que dans la vie, il n’y a (presque) rien de mieux que le sexe ! Et le sexe réaliste d’autant plus.
Comtesse – Aude Picault – Classicisme excitant
Le titre est évocateur, il m’a déjà emmené loin sans avoir ouvert une page tandis que la couverture est très sage. Emmenée loin comme l’histoire peut être lubrique J’ai projeté un fantasme, puis de nombreux au travers cette première planche prometteuse qui ne dévoile pourtant rien. Ici, pas de roman, mais une bande-dessinée particulièrement cul sans être pornographique. C’est rare.
Je me retrouve face à l’innocence et la virginité d’une jeune comtesse qui s’apprête à passer sa nuit de noces auprès d’un mari vieux, moche, bref…écœurant à souhait.
Le graphisme d’Aude Picault m’a attisée plus d’une fois
L’épousée se retrouve donc dégoûtée des plaisirs de la chair, du devoir conjugal surtout, et j’ai craint que ce ne soit à jamais. Point du tout. Le personnel de maison sera présent pour servir, à tous les sens du terme, la maîtresse, à coups d’assauts répétés, de situations plus qu’explicites et scandaleuses. L’histoire et le thème n’ont pas une originalité folle, mais le graphisme d’Aude Picault est excitant, travaillé. Il m’a attisée plus d’une fois et tandis qu’il fera certainement bander les amateurs du genre, il a été parfait pour un moment de plaisirs, décuplé par l’envie, ou le besoin d’accompagner la belle aristocrate au cœur de ses turpitudes. L’accompagner d’une main sans doute, les situations ne m’ont pas laissé de marbre. Sulfureux malgré son classicisme, oserai-je dire son cliché, j’ai apprécié la légèreté de l’œuvre.
J’ai savouré ce « classique du genre », parsemé d’une luxure bien tombée et cette satisfaction d’avoir suivi les rêves chargés d’érotisme de l’héroïne. D’avoir touché du bout des doigts sa jouissance et la mienne. Une œuvre à la douceur suggestive qui se regarde plus qu’elle ne se lit. C’est délicat, frais comme un hymen intact. Je suis persuadée que c’est une des raisons pour lesquelles cette bande-dessinée est une véritable antre de plaisir.