En avril ne te découvre pas d’un fil dit le dicton. Sauf en lisant la chronique “Petit cochon” d’Ernest par Virginie Bégaudeau
Madame Edwarda – la mort – Histoire de l’œil, Georges Bataille, 10/18
« Ma vie n’a de sens qu’à condition que j’en manque ; que je sois fou : comprenne qui peut, comprenne qui meurt… ; ainsi l’être est là, ne sachant pourquoi, de froid demeuré tremblant… ; l’immensité, la nuit l’environnement et tout exprès, il est là pour… “ne pas savoir. »
Les récits de Georges Bataille ont cela de délicieux qu’ils sont fous et indécents. La mort rythme certains mots à mesure que le sexe caresse les autres. Les héros se repoussent, s’électrisent et jouissent. D’une manière si douloureuse que je les ai souvent accompagnés dans cette souffrance que l’on connaît si peu. L’extase de l’amour et la mort, cette liaison évidente des grandes histoires, de toutes nos histoires finalement, m’a élevée au plus haut des textes. Ils sont absolus, obscènes et je me suis retrouvée parachutée dans un univers où le stupre et la luxure comblent le vide. Le mien.
J’ai aimé l’association de la détresse qui m’a happée dans ce qu’il y a de plus charnel, de plus animal. La sexualité et la transgression. Un parfum de blasphème dont Georges Bataille m’a aspergée du début à la fin, pervers et outrancier à la fois. Je suis Madame Edwarda qui choque les lecteurs et se réfugie dans ce que le sexe a de plus noir, de plus jouissif aussi. Je suis dominatrice où l’orgasme n’est qu’un résultat médiocre à côté du chemin tortueux que j’emprunte pour y goûter.
Aussi audacieux qu’idéologique, ce texte est impie. Je l’aime particulièrement, si ce n’est uniquement pour son amoralité qui m’excite, m’attise. J’erre dans les nuits parisiennes, sortie d’un bordel où les hommes quêtent l’improbable hors du lit conjugal. Créature des bas-fonds qui survit grâce au sperme des infidèles. Je suis un peu Marie en m’enfuyant dans cette auberge des vices avant de m’éteindre, enfin, repue d’une luxure qui m’écœure, presque. C’est l’excès.
Un énorme coup de cœur pour ces nouvelles où la littérature chevauche le vice et la détresse. Fascinant et provocant.
Sex in America, Marilyn Jaye Lewis, La Musardine
Dans cette plongée au cœur du désir féminin, au cœur de l’Amérique profonde, je me suis perdue. Perdue entre la vision presque uniquement masculine et l’univers underground, vintage, d’une époque que je fantasme.
Ce n’est pas la richesse des nouvelles qui m’excite. Les clichés, peut-être. Une injonction à jouir par la pénétration et les multiples facettes de l’homme, dit viril, à un moment où tout semble suinter, et pas que de sueur. Je suis mitigée entre l’excitation que l’auteure met à ma disposition, je me fonds dans la peau d’une prostituée chinoise qu’un marin rend soudainement consciente de son potentiel orgasmique.
Un délice masturbatoire
Je suis soulevée, malmenée et aimée à la fois. C’est cru. Direct. Clairement, masturbatoire ! Mais il y a le désir, urgent, des personnages qui supplient de vivre et de rendre leurs corps à leur bourreau, obscène et violent.
Sex in America transpire de ce désir malsain et jouissif qui raconte des années que nous ne connaissons plus. Ce n’est pas féministe, c’est même terriblement l’opposé et la virilité est poussée à son paroxysme. Je partage les éclairs lubriques de l’auteure, je partage comme beaucoup de mes contemporaines ces fantasmes avilissants, aussi culpabilisants que jouissifs, qui me rappellent surtout que la réalité n’est pas là.
Je souligne l’avilissement de la femme comme un avertissement de Marylin Jaye Lewis sur notre condition et le rappel de cette ère où il n’y avait que le sexe objet, que la violence sur le corps féminin était un droit pour le collectif.
Pin-Up Wings, coffret 4volumes, Romain Hugault
Les pin—up sont un rêve, un absolu. C’est la figure de l’érotisme à l’état pur et dans ce qu’il y a de plus sophistiqué. Entre la candeur de leurs traits et la sexualisation de leur corps, je suis chavirée. La femme ultime. La femme parfaite. La Femme que des générations ont cherché à devenir ou à conquérir.
Il y a un sacrement autour de l’image de la pin-up et le coffret d’Hugault Romain, qui regroupe les quatre volumes de la saga, en est une excellente démonstration. Sa passion pour l’aéronautique couplée à celle des courbes féminines et de la volupté est explosive.
Figures de l’érotisme à l’état pur
Le dessin est sublime. Réaliste. Enlevé. C’est aussi naïf que décadent. Il y a une part d’adolescence dissimulée entre les positions des héroïnes, de leur envolée dans les airs qui souligne une très jolie allégorie. J’aime la beauté des volumes. L’amour que l’auteur a transmis au travers de ces poupées d’un autre temps.
J’enfile une paire d’escarpins, accroche mes jarretelles, peint mes lèvres d’un rouge carmin et inaltérable. Je sens la puissance de mon sexe et de mon corps à chaque trait. Je prends conscience du potentiel sexuel de cette femme mythique. Fabuleuse. Ambassadrice d’une Amérique fantasmée. Forte. Et rêveuse. Sa lubricité attise les sens et me pousse jusqu’à cette jouissance, élégante.
Un superbe coffret convoité par les amateurs, mais aussi par les collectionneurs chevronnés en quête de sensualité, et peut—être, de nostalgie.
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