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Quelque chose en nous de Kundera

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Milan Kundera est mort cette semaine. La mort d’un artiste aimé a toujours ceci de particulier qu’il signe de facto la fin d’un dialogue imaginaire avec lui ou elle. Seule demeure l’œuvre et avec elle le dialogue se poursuit.
La disparition de Milan Kundera revêt quelque chose de particulier car il faisait partie de ces artistes dont on ne se lasse jamais de relire les mots, ou de venir habiter à nouveau les œuvres. Elle a aussi quelque chose de particulier dans ce qu’était Milan Kundera dans la vie de chacun de ses lecteurs et lectrices, mais aussi dans la vie de notre pays, de l’Europe ou du monde.

Quelque chose en nous de Kundera. Comme nombre d’entre vous Ernestiens et Ernestiennes, l’auteur de ces lignes a lu et relu nombres de livres de Milan Kundera. Parmi eux, « L’insoutenable légèreté de l’être » qui constitue certainement l’un de ses livres favoris en ce sens qu’il pose la question de nos existences de la légèreté et de la lourdeur de celles-ci et des choix à opérer. En ce sens qu’il fut un choc physique la première fois qu’il rencontra notre route. Choc physique dans le mouvement qu’il mit en branle dans notre esprit comme dans nos sens. Échanger avec des amoureuses des extraits aimés. Jusqu’à récemment. Livre lu et relu. Livre offert et offert et offert encore. Il sera à nouveau offert demain. Se dire qu’il serait impossible de commenter ici l’Oeuvre tant l’écriture simple et profonde de Kundera font que ses phrases et ses situations se racontent et se pensent en même temps. Le lire c’est être à la fois dans un récit et dans son commentaire.

Quelque chose de Kundera en Ernest. Alors que la nouvelle était annoncée, fureter dans les articles, les éditos, les interviews tracées depuis six ans dans nos colonnes. Trouver plus de 70 références à cet auteur (Par ici). Dans les missives du dimanche, dans les entretiens avec les auteurs et autrices auxquelles nous aimons lancer la phrase kunderienne selon laquelle selon lui les personnages sont des “égos expérimentaux du romancier” afin de les faire réagir. Mêler aussi la gravité du regard sur le monde avec une forme d’humour et de distance.

Au-delà de notre intime et professionnelle expérience, qui bien qu’intéressantes ne constituent pas un enseignement autre que sensible, il demeure également quelque chose de Kundera dans ce qu’est la France.

Terre d’asile, terre d’inspiration, terre aimée. Lieu de refuge. Nationalité accordée à l’auteur en 1981. La France qu’il aimait. Une France où par les mots le salut est possible. Une France dont l’auteur a aussi choisi la langue pour écrire. Une France qui, plus qu’un pays, plus qu’une nation, charrie avec son nom une idée qui dépasse et qui permet de se dépasser.

Il y a aussi, évidemment, quelque chose de Kundera dans l’Europe que nous habitons et tentons de construire. L’Europe que les Ukrainiens défendent face à la barbarie de la Russie de Poutine.
Dans un texte magistral peu connu mais réédité récemment, et intitulé “Un occident Kidnappé“, Milan Kundera écrit : “L’identité  d’un peuple ou d’une civilisation se reflète et se résume dans l’ensemble des créations spirituelles qu’on appelle d’habitude « culture ». Si cette identité est mortellement menacée, la vie culturelle s’intensifie, s’exacerbe, et la culture devient la valeur vivante autour de laquelle tout le peuple se regroupe.”

Il y a enfin dans Kundera quelque chose qui dit le monde. Un monde inquiet tourné vers la recherche du beau. Un monde qui aime la nostalgie autant que l’humour. Un monde où les possibles sont ouverts et où le rire est un exorcisme de la bêtise. Un monde où la plaisanterie est une forme de gouvernance autant qu’une forme de résistance. Un monde du pas vers l’autre.
Ernestiens, Ernestiennes, heureux celles et ceux d’entre vous qui n’ont jamais lu une ligne de Milan Kundera. Heureux celles et ceux qui s’y sont replongés pour y découvrir une nouvelle chose à l’annonce de son décès ou qui s’y replongeront à la lecture de ces lignes.

Bon dimanche,

L’édito paraît le dimanche dans l’Ernestine, notre lettre inspirante (inscrivez-vous c’est gratuit) et le lundi sur le site (abonnez-vous pour soutenir notre démarche)
 
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