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La mère Méditerranée

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C’est une histoire d’amitié. Profonde. Intense. Intemporelle. Impérissable. Une histoire de partage. Des musiques, des livres, des sensations, de la cuisine, de peines, de tourments et de toutes ces grandes et petites choses qui scellent les liens des amis. C’est une histoire de partage puisque quand on met la main sur quelque chose d’important, l’une des envies féroces, intenses et inarrêtables est l’envie de dire à l’ami (e) sa découverte. D’en faire un morceau du langage commun des amis. C’est ce qui est arrivé cette semaine à l’auteur de ces lignes. Un ami cher lui a téléphoné. Il avait le besoin de partager. Un texte de Camus.
Ému, il a lu. “L’esprit méditerranéen c’est celui des Grecs, de Socrate et Périclès, des Égyptiens socialistes avant Marx et Proudhon, des Latins clairs et pratiques, des Italiens religieux et réalistes, des Algériens violents et résignés, des Espagnols hautains et misérables, des Provençaux sobres et chaleureux… L’esprit méditerranéen, c’est une synthèse de la maîtrise et de la limpidité, de l’ingéniosité et de la patience des Grecs, de la grandeur et de la faiblesse des Latins, de l’instabilité et de la frugalité des Algériens. C’est un équilibre entre enthousiasme passionné et goût de l’ordre, le lyrisme et la simplicité, l’harmonie de la nature et l’action généreuse de l’homme, l’amoralisme partiel et la recherche religieuse. L’esprit méditerranéen c’est une sorte d’équilibre étrange qui efface à la fois l’angoisse et l’espoir.”

Après cette lecture, il y eut quelques instants de silence. L’émotion était là. Palpable. Il a dit : “En fait, c’est de là que nous venons.” La Méditerranée en partage. Cette “vraie mer” qui constitue, forcément, une partie de ce que nous sommes, nous, Français. Une fois la conversation avec cet ami achevée, l’esprit a vagabondé. Les odeurs de lavande, de thym, de basilic, de tomates fraiches, d’huile d’olive et de romarin étaient là. La faconde, le rire, les calamars frits, l’intensité de la lumière aussi sont venus combler l’esprit et le corps. Des images aussi ont submergé l’esprit. Celle des calanques de Marseille, celle d’un Vespa dans Rome, celle d’une plage secrète de Corse, celle des couleurs incomparables de la Grèce, celle d’un bain de mer en octobre en Israël, celle d’un bain de nuit d’adolescent avec une amoureuse, celle aussi – forcément – d’une tablée d’amis. De ces repas qui commencent tard et finissent tôt. Ou l’inverse. De ces repas où l’on rit, où l’on parle fort, où l’on danse, où l’on pleure, où l’on s’aime, où l’on se cherche des poux, où l’on mange plus qu’il ne faut, où l’on se dit l’espace d’un instant qu’il faut saisir ce bonheur. “Méditerranée, c’est une fée qui t’a donné ton décor et ta beauté” chantait Tino Rossi.

C’est une fée qui a donné aussi, aux Méditerranéens la joie et la mélancolie. Cette capacité à rire et pleurer dans le même mouvement. De penser au passé. Aux amours perdus autant qu’à la beauté d’un sourire qui ouvre un possible. Cette fée a confié aussi cette forme d’exagération qui dit, en fait, notre humanité. Fantaisie et rigueur. Intelligence et futilité. La Méditerranée est sérieuse sans se prendre au sérieux. C’est au fond cela qui meut aussi tout ce bassin qui contient un petit ou un gros morceau de nous. Espagne, Portugal, Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Grèce, Israël, Liban, Bosnie, Croatie, Montenegro, Chypre, Malte, Turquie, Slovénie, Albanie, France et Italie… 

Après ce vagabondage suite à l’appel de cet ami : une certitude : celle d’une filiation avec cette vraie mère que constitue la Méditerranée. Dans sa volubilité comme dans son humilité. Dans sa joie comme dans sa mélancolie. Dans son culot et son manque de confiance en soi. Et se dire, au fond, que nous avons, tous et toutes, besoin de Méditerranée pour aller de l’avant, pour grandir, pour être meilleur, et aussi pour mettre du baume sur nos peines. Avoir besoin de Méditerranée, c’est avoir besoin d’humanité et inversement. Du génie et de la médiocrité. De la joie et de la peine. De la saleté et de l’immense beauté.

Bon dimanche,

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