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Julie Girard : “Emmener le lecteur au point de bascule”

GIRARD Julie Photo 2022 Francesca Mantovani (c) Gallimard 7054

"Le crépuscule des licornes" est un premier roman réjouissant, doux amer qui interroge le rapport à la vie et aux abdications successives des rêves au profit de la réalité. Entretien avec son autrice, Julie Girard.

G06414Une claque tendre. Un baiser mordant. Voilà les images qui viennent à la lecture du nerveux et très bon premier roman de Julie Girard qui a paru en janvier chez Gallimard. Le pitch est simple : Éléonore vit avec son homme Zack à New York. Elle est journaliste, podcasteuse en vogue et raconte le monde des start-up dans lequel excelle son mec. Alors que ce dernier se met à vouloir vendre sa licorne (entreprise qui vaut plus d’un milliard d’euros) et à investir dans une entreprise qui implante des puces dans les humains afin d’augmenter leurs capacités intellectuelles, Éléonore enquête avec des scientifiques, notamment Juergen, sur cette découverte machiavélique.

A mesure que l’histoire progresse, la déshumanisation gagne les protagonistes. Le sexe – quand il a lieu - est d’une tristesse abyssale – et les relations humaines hormis l’amitié d’Éléonore avec McKenzie sont stéréotypés. Comme si, notre capitalisme débridé qui n’a qu’un seul dieu, celui de l’argent performance, achevait notre déshumanisation. Armé de cette lecture et de ces sensations, l’envie d’une rencontre avec l’autrice de ce roman qui porte en lui une révolte dévastatrice racontée avec des mots doux est venue.

Comment est né l’envie de raconter cette histoire ? Ce chemin initiatique d’Éléonore d’une forme de vacuité à une révolte ?

GIRARD Julie Photo 2022 Francesca Mantovani (c) Gallimard 7050 (002)Julie Girard : L’art en est à l’origine. Alors que j’étais galeriste d’art à New York où je vis depuis douze ans, j’ai vu l’exposition de Mona Hatoum. Cela m’a mis en mouvement. Dans sa façon d’interroger l’entre deux, l’exil ainsi que l’étrangeté de nos intérieurs, j’ai ressenti le besoin viscéral de changer l’orientation de ma vie.

Je me suis alors lancée dans une thèse de philosophie sur l’esthétique avec l’œuvre de Mona Hatoum en ligne de fond, et j’ai commencé à me dire qu’il fallait m’autoriser à écrire.

L’histoire d’Éléonore s’est imposée à moi alors que j’avais déjà bien entamé ce chemin personnel. Cette forme romanesque de la révolte de cette héroïne contre la vacuité de sa vie est venue de manière fulgurante.