Et si la politique était une question de désir avant toute chose ? Dans son "Back to Classics" du mois, Frédéric Potier relit Erik Orsenna et est certain d'une chose : pas de démocratie sans grand amour. Vivifiant !
Les principes de classement d'une bibliothèque obéissent à des logiques variées : ordre alphabétique, chronologique, chaotique, thématique (le fameux Dewey) ou encore par couleur, par éditeur, par coup de cœur ou par type de support (livres d'art, poches...). J'avoue avoir un petit faible pour le rangement par association d'idées : Colette avec Anaïs Nin, elle-même collée à Henry Miller, auquel s'accroche Beauvoir, suivie par Sartre, qui est pourchassé par Camus, surveillé par Mauriac etc. Une architecture entièrement subjective qui en dit long sur la structure mentale et les goûts du lecteur.
Ainsi, ma précédente chronique consacrée à "L'Amant" de Marguerite Duras m'a amené inévitablement avec la même logique vers "Grand Amour" d'Erik Orsenna (c'est bon, vous suivez toujours ?). Sous-titré "Mémoire d'un nègre", l'auteur y relate en 1993 ses années passées à l'Élysée en tant que plume et conseiller culturel au service de François Mitterrand. Celui qui n'est pas encore Académicien mais jeune docteur en économie et rédacteur d'autobiographies pour personnalités sans plume se retrouve chargé de dompter la langue française pour incarner une parole présidentielle à la hauteur des ambitions et des exigences du locataire des lieux. La greffe aurait pu ne pas prendre mais Erik Orsenna partageait avec François Mitterrand au moins deux choses, la passion de la littérature et l'amour des femmes. Il fut donc adoubé et maintenu en fonction jusqu'à sa nomination au Conseil d’État où il passa quelques années avant de se consacrer entièrement à son œuvre, devenue au fil du temps aussi riche que prolifique (L'exposition coloniale, Madame Bâ, Voyage au pays du coton...). Vous l'aurez sans doute compris il n'est pas question de politique ou de diplomatie dans "Grand Amour" mais d'une double activité propre à la survie de tout scribe, écrire ou séduire, ce qui revient d'ailleurs à peu près à la même chose.
Vous avez lu 25% de cet article...
Pour découvrir la suite, c'est très simple :