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Autopsie d’un crime chimiquement pur

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Lundi 9 janvier s’est ouvert le procès en appel du Mediator. Irène Frachon, la pneumologue lanceuse d’alerte dans l’affaire, publie avec le scénariste Eric Giacometti (Largo Winch, mais aussi la série de romans autour du commissaire Franc-Maçon Marcas avec Jacques Ravenne ) un roman graphique passionnant chez Delcourt. “Mediator, un crime chimiquement pur”. Cette histoire se lit comme un polar. Elle raconte toute l’affaire. Celle des laboratoires Servier et de la façon dont ils ont commercialisés en toute connaissance de cause le Mediator, ce coupe faim destiné à faire perdre des kilos à ses utilisateurs. Ils en sont morts (entre 1500 et 2000 victimes ) ou sont devenus handicapés. Irène Frachon a décidé de briser la loi du silence du monde médical et pharmaceutique et de raconter l’histoire. En première instance,  les laboratoires Servier sont condamnés à 2,7 millions d’euros d’amende pour « tromperie aggravée » et « homicides et blessures involontaires ». L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), jugée pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator, est quant à elle condamnée à une amende de 303 000 euros. En outre, sur les 6 500 parties civiles qui s’étaient constituées, celles déclarées recevables se voient attribuer plus de 180 millions d’euros de dommages et intérêts. Néanmoins, Servier est relaxé du chef d’escroquerie pour cause de prescription. Le parquet de Paris  a fait appel de la relaxe partielle des laboratoires Servier (“obtention indue d’autorisation de mise sur le marché » et d’« escroquerie ») qui, d leur côté, ont fait appel de leur condamnation. C’est tout l’objet du procès qui s’ouvre en ce début 2023.

Un livre choc sur une histoire hallucinante

Dans cette BD superbe, tout y est. Les espoirs des utilisateurs, le combat de Frachon, le rôle positif de la presse grand public quand la presse médicale fait silence sur le scandale, l’impunité de Servier, le livre censuré d’Irène Frachon et les pressions dont elle est victime. Bref, un véritable scénario de film à suspense, un parcours à la Erin Brockovich. Les auteurs tirent trois fils tout au long de ce roman graphique puissant. Le fil de l’histoire de la firme Servier où l’on apprend comment le laboratoire fichait ses collaborateurs avec des propos antisémites type “a le goût de l’argent”, la création du Médiator et de l’Isoméride. Le fil des témoignages des victimes, de leur parcours et de leur lutte. Mais aussi, évidemment, le fil de l’enquête menée seule au départ par Irène Frachon, puis soutenue par des scientifiques et des journalistes que Servier a poursuivi en diffamation pour les bâillonner.  Tout est minutieusement raconté. Entre enquête, émotions et révolte. Un roman graphique de très haute volée sur l’un des plus grands scandales médico-politico-financier des dernières années. Une œuvre de salubrité publique.

“Mediator, un crime chimiquement pur”, Giacometti/Frachon/Duprat, Delcourt, 23,95 euros.

Tous les livres du vendredi d’Ernest sont là. 

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