3 min

Rencontrons-nous !

Adi Goldstein N2V4ZNflsHM Unsplash

Regardez-les. Ils ne se connaissent pas encore. Invités au même événement par un ami commun. Ils se sont présentés. Ils ont échangé des regards. Quelques blagues aussi. Dans les micros échanges, peut-être le début de quelque chose. Peut-être pas. Se rappelleront-ils ? Se recroiseront-ils ? Elle comme lui repartent avec ces questions. Conscientes ou inconscientes. Un possible s’est peut-être ouvert…
Regardez-les, ces deux enfants qui, dans la cour d’un collège, aident un troisième un peu rond qui est pris à parti par d’autres sixièmes qui se croient intelligents. Les deux qui sont intervenus continuent de discuter longuement ensuite. Une amitié a débuté. C’est certain.
Regardez-les, ces deux personnes qui lors d’un entretien professionnel, dans leur façon d’appréhender une question, ont compris qu’elles feraient un bon duo. Pour aller gagner d’autres marchés. Pour inventer un avenir.
Regardez-les ces deux individus qui, dans un café, se quittent. Les yeux humides.
Regardez-les, ces militants qui alors que le candidat est monté sur scène et a prononcé ses premiers mots se sont sentis transportés.
Regardez-les dans le boulevard Saint-Germain, ils se croisent. Ils se sont aimés hier. Ils se sont séparés. Et voilà qu’ils se retrouvent encore. Albert et Maria.
Parce que c’était lui, parce que c’était moi. Montaigne, La Boétie… Dans notre rêverie du dimanche. Des rencontres. Pourquoi des rencontres ? Peut-être parce que c’est ce que nous nous souhaitons individuellement et collectivement pour cette année. Car, pour l’instant, c’est peut-être ce qui manque le plus.

L’année vient à peine de commencer que déjà les polémiques inutiles d’un peuple politique qui n’a plus aucune mémoire sont déjà légions. L’année vient à peine de commencer et des études viennent souligner toujours plus fortement le fait que pour “faire entendre leur idées nos compatriotes sont prêts à utiliser la violence.”
L’année vient à peine de commencer et elle nous renvoie déjà le miroir de ce que nous sommes collectivement devenus et que les sociologues talentueux ont documenté : une société fracturée, archipellisée où chacun réagit d’abord selon ses émotions et ses intérêts avant de penser au collectif. Bref, face à ce constat, l’année est à peine commencée que l’on a envie d’aller se recoucher.

Et pourtant chers Ernestiens et Ernestiennes qui rentrez du footing, du marché ou qui nous lisez au fond du lit, comme c’est la nouvelle année, nous avons un remède pour vous. Ou du moins, nous formulons ce matin un souhait que nous espérons vous faire partager. En se disant que si chacun et chacune d’entre nous s’engage dans ce mouvement d’aller à la rencontre de l’Autre, alors, peut-être que nous irons collectivement mieux. “La vraie vie est une rencontre”, jugeait le philosophe Martin Buber.

Difficile de ne pas lui emboiter le pas, tant ce que charrie la rencontre vient du passé, se passe au présent et tend vers l’avenir en ouvrant un possible. La rencontre que l’on fait avec une personne, mais aussi, plus largement la rencontre que l’on fait avec une idée, une vision du monde, un personnage de roman, ou avec une émotion. Dans cette capacité à rencontrer, il y a aussi une mise à nu. Une acceptation d’une faille pour laisser entrer la lumière et donc, peut-être, une forme d’inattendu. Nous pourrions croire que dans cette rêverie dominicale, nous ne parlons que de l’individu, il n’en est rien. Qu’est-ce que le CNR (Conseil national de la résistance) si ce n’est la rencontre d’individus qui n’étaient pas les mêmes mais qui décidaient de se mouvoir ensemble ? Qu’est-ce que la création des surréalistes, si ce n’est la rencontre de génies plein de failles complètement différents ? Qu’est-ce que la victoire de l’équipe de France en 1998 si ce n’est une alliance savante des contraires ? Qu’est-ce que le rire que nous distillait et que nous distille toujours Charlie Hebdo, si ce n’est l’addition joyeuse, volcanique de personnalités diamétralement opposées ?

“J’insiste, lecteur : ce matin-là comme les autres, l’humour, l’apostrophe et une forme théâtrale d’indignation étaient les juges et les éclaireurs, les bons et les mauvais génies dans une tradition bien française qui valait ce qu’elle valait, mais dont la suite allait montrer que l’essentiel du monde lui était étranger“, écrit Philippe Lançon dans son magistral livre “Le Lambeau” à propos du 7 janvier 2015. 7 ans déjà…

Des mots ? Peut-être. Un souhait surtout. Pour sortir de nos archipels, il nous faut accepter le risque de nous jeter à l’eau pour aller à la rencontre des Autres. Sinon, d’archipel nous deviendrons poussières. Un mot d’ordre pour 2022 : rencontrons-nous !

Bon dimanche,

L’édito paraît le dimanche dans l’Ernestine, notre lettre inspirante (inscrivez-vous c’est gratuit) et le lundi sur le site (abonnez-vous pour soutenir notre démarche)

Tous nos éditos sont là.

Laisser un commentaire