C’est l’histoire de Jean Roscoff, ancien militant de SOS Racisme, universitaire récemment retraité, qui décide de rattraper ses “ratés” en se lançant dans l’écriture d’un livre sur Robert Willow, un poète américain ami des existentialistes, mort au volant de sa voiture dans l’Essonne et quelque peu oublié. De ce pitch simple, Abel Quentin tire un roman dense, puissant, profond et passionnant sur la France, ses débats farfelus, ses indignations “éveillées”, ses militants de l’égalité qui ne pratiquent que l’exclusion de qui ne pensent pas comme eux. L’écriture est virevoltante, le propos est caustique et intelligent. Abel Quentin plonge son lecteur dans le monde contemporain en mettant son personnage principal aux prises avec la copine de sa fille, militante néo-féministe décoloniale qui le prend pour un “boomer” et n’a que peu de respect pour lui.
Drôle et intelligent
Quentin ausculte les cancers de l’époque, la “cancel culture”, les errements de la pensée qui veut faire le bien. Il raconte finalement les questionnements d’un intello un brin dépassé par les événements. Cependant, et c’est là toute la force de Quentin, il rit avec une verve réelle de toute une certaine gauche qui épouse les causes, sans en connaître tous les tenants et aboutissants. Quentin signe là un livre ultracontemporain qui sait garder du recul sur son époque, un roman qui est érudit sans être verbeux ni ennuyant. En le lisant, on pense à Tom Wolfe, à Philip Roth, dans leur capacité à raconter un monde, une époque, avec distanciation, humour, finesse, et intelligence. Cela en la mettant en récit, en fiction et en personnages tous plus intéressants les uns que les autres. Ce livre est un livre ambitieux, plein, talentueux. Un livre qui place Abel Quentin parmi les grands raconteurs de l’époque. Il y a deux ans, il avait déjà été très remarqué avec son “Soeurs”, dans lequel il racontait le basculement dans l’islam radical d’une fille d’aujourd’hui. Il nous avait aussi livré un texte inédit, pour Ernest, en mai 2020 à la sortie du confinement. (Il est ici). Dans “Le voyant d’Etampes”, il mixe tous ses atouts : distance, intelligence, et écriture à la fois ciselée et profonde pour nous livrer un roman magistral qui illustre à merveille la façon dont la littérature peut dialoguer avec le monde et le monde dialoguer avec les mots. A ne pas manquer. Et de nous à vous, on ne serait pas très étonné que Quentin décroche un prix cet automne.
“Le voyant d’Etampes”, Abel Quentin, éditions de l’Observatoire
[…] ne pensent pas comme eux. L’écriture est virevoltante, le propos est caustique et intelligent. Voilà ce que nous écrivions le 17 septembre dernier quand nous décidions de faire du Voyant d’E…) l’un de nos coups de cœur du vendredi. Nous avons eu envie d’aller à la rencontre de cet […]