5 min

Quentin Lafay : “Tout le monde a des choses à cacher”

Photo QL

"L'intrusion", c'est le titre du conte philosophique 3.0 de Quentin Lafay. Nous l'avons beaucoup aimé. Nous vous l'avions conseillé dans notre rubrique le livre du vendredi. Parce que nous pensons que le propos tenu et porté de manière magistrale dans ce roman méritait d'être plus développé encore, nous avons décidé d'interroger l'auteur.

"L'intrusion" est le deuxième roman de ce jeune trentenaire brillant qui après Sciences Po et un master d'économie à Normale Sup a été la plume du candidat Emmanuel Macron en 2017. C'est d'ailleurs fin 2017 que Quentin Lafay a décidé de quitter l'univers politique pour partir aux Etats-Unis et devenir scénariste de séries. En avril 2017 il avait déjà publié un premier roman chez Gallimard "La Place forte", qui narrait l'histoire d'un ministre qui démissionne de son poste au bout de six jours et qui s'éloigne du pouvoir. "L'intrusion" raconte donc une toute autre histoire. Celle de Gaspard - salarié de Avicenne - qui se fait pirater toute sa boîte mail et toutes les conséquences néfastes qui s'ensuivent. Le propos qui est celui de la victime du piratage est puissant en ce ce sens qu'il tord définitivement le cou à l'adage imbécile du "je n'ai rien à cacher" et redore le blason de l'intime. Cette histoire de piratage tire sa source dans ce qu'a vécu l'auteur alors qu'il était salarié de la campagne d'Emmanuel Macron et que Wikileaks quelques jours avant le second tour de l'élection présidentielle a publié "les macron leaks" soit les courriels et les notes de toute l'équipe de campagne du futur président. Ceci posé, le tour de force de "L'intrusion" est de rendre le propos bien plus large, bien plus universel et bien plus intéressant. Rencontre (via skype, confinement oblige) avec cet auteur que nous suivrons avec une très grande attention.

Quel est le déclencheur de l'envie d'écrire ce livre et pourquoi avoir choisi la fiction plutôt que l'essai ?

J'ai commencé à écrire cette histoire il y a un an et demi. J'ai mis du temps à m'y mettre car il fallait Ernest Mag Intrusionque je résolve d'abord en moi-même l'intrusion dont j'avais été victime et que je puisse la regarder avec le recul nécessaire. Ce recul permet de mettre de l'intelligence dans ce qui nous arrive. La fiction s'est imposée naturellement car ce que j'ai vécu n'était en soi pas si intéressant que cela. La littérature permet de vivre la vie des autres, elle permet de se frotter aux sentiments quand l'essai retranscrit un instant T. Il n'a jamais été question pour moi de choisir ce format. J'avais envie de tirer le fil de l'histoire et d'en élargir, grâce au roman, les enjeux. C'est pourquoi j'ai décidé de placer l'action dans une entreprise, de rajouter des personnages, de leur inventer des histoires, de raconter ce que le fait de se faire pirater peut engendrer sous différents angles et sous différents aspects. En créant cet univers fictif et en ne me cloisonnant pas dans l'univers politique, je pouvais aussi traiter de la questions des relations dissimulées, de l'hypocrisie, et de tous ces sentiments humains qui peuvent être contenus dans une correspondance. Cela permettait également de rendre le propos plus universel et, peut-être, plus fort encore.

Quelle est la part de réalité et de fiction ?

Tous les cas qui sont très détaillés dans le livre sont issus de mon imagination. En revanche, ce qui relève de la réalité ce sont tous les sentiments que j'ai ressentis et que j'ai attribués à mes personnages.