Il y a des auteurs que l’on attend. Diane Ducret fait partie de ceux-là. Elle revient avec un roman très personnel et pourtant très universel. Un roman émouvant et drôle. Un roman sur la reconquête d’une liberté et un roman plein d’espoir. Un roman qui voyage beaucoup. Du coup, nous nous sommes baladés à Paris avec Diane Ducret dans des lieux qu’elle affectionne particulièrement. Discussion poétique.
Le soleil était intense. La lumière étincelante comme ces lumières des matins d’hiver. Ces matins des froids secs. C’est par ce froid intense que nous avions décidé de rencontrer Diane Ducret dans les différents lieux qu’elle aime à Paris. Cela pour épouser le mouvement. Ce mouvement entre Gdansk, Biarritz, Paris, l’Amérique, Le Caire ou la Jamaïque qui est si présent dans son dernier livre “La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose” paru chez Flammarion. Diane Ducret, nous la suivons depuis fort longtemps maintenant ici, là ou encore sur Ernest pour son superbe “Les Indésirables“ paru l’an dernier. Elle est à la fois historienne essayiste reconnue et passionnante (Femmes de dictateurs 1&2, la Chair Interdite, Lady Scarface, Corpus Equi) et une romancière essentielle (L’homme idéal existe il est québecquois et Les Indésirables). Avec son dernier livre, Diane Ducret franchi une nouvelle étape. Celle du livre très personnel qui a pourtant une dimension universelle.
Le pitch est assez simple : Enaïd (anagramme de Diane) est à Gdansk. Son dernier amour la quitte au téléphone. Cet évènement l’amène à se retourner sur sa vie. Quelques instants après, un autre appel lui apprend que sa mère qu’elle n’a pas vue depuis l’âge de 3 ans est atteint d’un cancer incurable. A partir de ces deux évènements de vie, Diane Ducret remonte le fil de son histoire. Pardon de celle d’Enaïd. De cette recherche d’amour. “Ce livre est en effet celui d’une quête. Celle de l’amour propre, mais aussi de l’amour des autres”, nous confie une Diane Ducret émue au OFF Paris Seine sur le Quai d’Austerlitz à Paris, où elle a écrit une très grande partie de son roman. Dans ce livre, il est aussi question de l’accident qui aurait dû clouer Diane sur une chaise et ne plus lui permettre de marcher. La “Meilleure façon de marcher est celle du flamant rose” est aussi un livre drôle et virevoltant : “les bêtises d’adultes changent la vie des enfants”, peut-on par exemple y lire.
Ce roman émouvant, c’est aussi un livre sur la fuite et les nouveaux départs, mais aussi sur les retours. Ducret : “Votre analyse est juste. La fuite car quand on aime il faut parfois partir, la fuite parce qu’elle permet aussi de se recentrer. Les nouveaux départs et les renaissances parce qu’au fond c’est ce que nous faisons tous tout le temps”. Diane Ducret s’interrompt un instant. Solennelle. Elle reprend “ce que j’ai envie de penser c’est que ce livre c’est aussi une façon de nous rappeler collectivement qu’au lieu de vivre sur le passé ou sur les rêves de choses à venir, il nous faut aussi être au présent”. C’est ainsi que dans une scène très émouvante à la fin du livre Enaïd retrouve Lena, sa mère et lui dit : “Sois ma mère pendant les deux heures qu’il nous reste à vivre ensemble”. Il était ensuite temps de partir avec Diane Ducret dans la pérégrination de ses lieux adorés à Paris. Toutefois, une question demeurait : pourquoi ce titre ? Diane Ducret hésite. Et se lance : “je travaillais sur un autre livre. J’avais déjà écrit 100 000 signes. Et puis un matin, je prenais ma douche, l’eau coulait sur moi et je me suis sentie bien. Sur mes jambes. En équilibre instable, mais en équilibre. L’image du flamant rose m’est venue. Nous sommes tous des flamants roses. Nous claudiquons. Je suis sortie de la douche, je me suis mise à écrire ce livre.”
De l’eau de la douche à celle de la Seine. Celle du Off Paris Seine où Diane Ducret nous avait donné rendez-vous pour ce premier lieu insolite. Cette péniche du Quai d’Austerlitz est un havre de paix.
“Je suis une fille de l’eau. L’eau m’apaise. J’ai grandi à Biarritz où l’eau est omniprésente. A Paris, je la recherche. Quand j’ai découvert ce lieu, il m’est apparu comme une évidence. J’y ai écrit tout le début de ce livre au printemps 2017, puis la fin tout début septembre. Je m’arrêtais d’écrire pour me baigner dans le bassin. Et je me remettais au travail. C’était le lieu idéal pour raconter le flamant rose.”
Après avoir passé du temps sur la péniche, nous nous dirigeons à quelques encablures de là, au Jardin des Plantes, autre lieu de
prédilection de l’auteure. Alors que nous nous promenons, j’interpelle Diane Ducret l’historienne des femmes sur #Metoo, #balancetonporc, la libération de la parole et les prises de bec entre féministes. Pourquoi n’est-elle pas intervenue ?
“Je n’ai pas participé à la vague médiatique féministe (#balancetonporc et #metoo, ndlr). Pourtant, j’en ai croisé, des porcs ! J’ai même connu les coups d’un homme. J’ai choisi de ne pas me définir comme victime, de mettre l’accent sur la reconstruction. Je suis féministe comme je suis humaniste, je creuse mon sillon différemment. Plus on crée de concepts artificiels sur l’infériorité de la femme, comme le plafond de verre, plus on se spécifie et crée des sous-catégories… J’ai besoin de plus de compréhension que de controverse en tant que femme.”
La balade dans le Jardins des Plantes continuait. Mais, au fait, pourquoi Diane aime-t-elle ce lieu ? “Car en grandissant avec mes grands-parents à Biarritz, nous ne prenions pas beaucoup de vacances et une fois nous sommes venus à Paris pendant deux jours. Nous avons été aux Jardins des plantes. Je me suis assise sur une statue d’Ours. Cet endroit est un lieu de souvenir familial, mais aussi, un lieu dans lequel j’aime venir pour flâner. J’aime aussi la concordance entre la galerie de l’évolution et aujourd’hui. Cette façon de nous rappeler l’évolution humaine.”
De l’eau, des plantes, mais aussi des meubles. L’étape suivante se situe à l’autre bout de Paris. Aux Puces de Saint-Ouen. Au milieu des meubles, des antiquaires, et des lieux de trouvailles insolites des Puces, Diane Ducret est à l’aise. Son œil est alerte, vif et aiguisé. On la sent dans son élément. Complètement.
Pourquoi cet endroit est-il important pour elle ? “Mon grand-père était antiquaire, ce n’est donc pas un hasard. J’aime les odeurs de ces meubles anciens. J’aime les histoires de ces meubles. Les antiquaires sont les gardiens de ces belles histoires que les armoires, les chaises ou les tables ont vécu. Pour moi, ces choses sont des choses authentiques. Quelqu’un les a façonné, les gens les ont adoptées avant de s’en séparer, et les antiquaires les bichonnent pour que ces meubles puissent ensuite revivre d’autres histoires, ailleurs”, raconte – poétique – Diane Ducret.
Elle ajoute : “Et j’aime aussi le côté gouailleur de ces puces. Et le fait qu’elles permettent de traverser les époques”. Réminiscence de l’historienne et de l’enfant…
La matinée suit son cours. La dernière étape de notre balade parisienne en équilibre claudiquant du flamant rose se situe à Montmartre. En hauteur donc. La déambulation nous conduit Place du Tertre. “Je ne me sens pas oppressée par les touristes, moi, ici”, précise Diane. “J’aime ce lieu avec cette ambiance de village”. Nous continuons, passons devant le “Café des deux moulins” où fut tourné une partie du film “Amélie Poulain”. En discutant, on comprend vite que ce qu’aime Diane Ducret à Montmartre c’est aussi l’histoire de ce lieu. Et notamment son histoire artistique. Celle des peintres de Montmartre, des femmes du Moulin -Rouge qui – en quelques sortes – dansaient comme des flamants roses. Nostalgie ? “Non. Plutôt un regard admiratif de ces artistes qui ont connu le dénuement le plus total mais qui ont continué de créer”. Évidemment, le tour se termine au Sacré-Coeur. En hauteur. En surplombant Paris.
“J’aime cette sensation de prises de hauteur. Cette idée de pouvoir respirer et de se placer un peu en hauteur pour regarder différemment”, confie encore Diane Ducret. Évasion ? “Non volonté de prendre le temps de la réflexion”. On revient alors sur les débats féministes récents dans lesquels l’auteure n’est pas intervenue. Puis la discussion divague encore. En surplomb. Il est temps pour le flamant rose de s’envoler. Avec assurance. C’est ce qu’a fait Diane Ducret dans ce roman. En le lisant, on en fait de même.
“La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose”, Diane Ducret, Flammarion, 19,90 euros.
Tous les coups de foudre d’Ernest sont là.
bel article avec beaucoup d’émotion cela donne envie de le lire mais n’est ce pas trop autobiographique ?
Michel Medioni
Bonjour. Merci pour le commentaire. C’est un récit autobiographique mais qui est tourné vers l’universel.
[…] illisibles les uns que les autres. Cette charge de Moix contre Diane Ducret et son dernier roman (nous vous en parlions ici) est typique de incompréhension des pseudos intellectuels de la littérature populaire réussie. […]