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Virginie Girod : “une femme peut être coquette et savante”

Non l'histoire n'est pas ennuyeuse. A travers ses livres érudits mais accessibles et très bien écrits, Virginie Girod, nous emmène dans la Rome antique pour ausculter la place des femmes et de la sexualité, mais aussi à la rencontre d'Agrippine. Un régal que les ouvrages de cette historienne qui nous donnent le goût de l'histoire. Rencontre.

Un bon livre d’histoire, c’est un livre qui se lit comme un roman. Si cette maxime est vraie, alors elle s’applique à merveille, aux livres de l’historienne Virginie Girod. En deux ouvrages remarqués, Virginie Girod s’impose clairement comme l’une des historiennes qui va compter dans les prochaines années.  Son premier livre, tiré de sa thèse de doctorat, intitulé « Les femmes et le sexe dans la Rome antique », paru dans la collection texto chez Tallandier (Il figure dans notre sélection des 5 essais de l'été, NDLR), est une plongée passionnante et documentée sur la vie à Rome et sur la façon dont on concevait le sexe et le rôle des femmes à cette époque là. Son deuxième livre, est une biographie virevoltante et inédite d'Agrippine. On y découvre une femme libre. Pleine de ressources. Les livres de Virginie Girod sont un régal d'érudition joyeuse et enrichissante. Lisez-les !

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En lisant ces livres d’histoire, comme des romans, l’envie était grande d’aller rencontrer l’auteure et de discuter avec elle des rapports entre le rôle assigné aux femmes hier et leur place dans la société aujourd’hui. Évidemment, il fut aussi question de la place de la sexualité à Rome et dans nos sociétés actuelles, de la création des tabous dans nos sociétés modernes et du féminisme.

A 33 ans, Virginie Girod sera, à n'en pas douter, l'une des historiennes à suivre dans les prochaines années. Son style d'écriture, son érudition et son franc-parler étant déjà de réelles boussoles pour comprendre le monde d'aujourd'hui à la lumière de celui d'hier. Rencontre.

[caption id="attachment_3367" align="alignleft" width="315"]IMG 6983 Crédit : DM[/caption]

Ce qui frappe dans « les femmes et le sexes dans la Rome antique » c’est qu’au final, on a l’impression que certains tabous sur le sexe ou la place des femmes ont été créés à cette époque là…

Virginie Girod : Oui et non. Employer le mot « tabou »  pour qualifier la Rome antique est anachronique. A Rome, rien n’est véritablement interdit. Seulement voilà, les romains ont décidé d’organiser la société. Les romains ont structuré leur société autour d’une base : c’est une société patriarcale et patrilinéaire. Les femmes étaient d’emblée dans la sphère privée. Leur rôle, c’est la reproduction. Mais comme, à l'époque, on ne peut pas faire de tests de paternité, Rome décide de fortement cadrer la sexualité féminine. Ce cadrage passe par la loi, la morale et la religion. Ces trois axes vont structurer le quotidien féminin. En parallèle, l’imaginaire romain masculin étant celui de la virilité et de l’activité sexuelle un autre groupe de femmes va se créer. Elles seront celles dont le rôle social n’est plus de fabriquer des petits citoyens, mais au contraire de procurer du plaisir aux hommes. La dichotomie de base et séculaire entre la matronne et la prostituée est posée.

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné sur la sexualité à Rome ?

De constater que les hommes avaient peur d’être trompés par leurs femmes. Et cela est toujours vrai. A Rome, l’homme a peur de la condition sociale de l’amant. On sent dans la littérature romaine que les hommes sont terrorisés par le fait d’être trompés avec des gladiateurs, des eunuques ou pire des esclaves. Ces hommes sont marginaux socialement et porteurs d’un miasme social qui pourrait contaminer la famille. Cela est très frappant. D’où toutes les règles mises en place. Si Domitien a interdit la pratique de la castration, c’est pour éviter que les femmes ne puissent avoir des amants « sex-toys » non fécondants.  Autre surprise : l’homosexualité féminine si elle est perçue comme moralement répugnante car c’est une sexualité sans phallus - une aberration pour les romains -  elle n’est toutefois pas condamnée légalement. Tout simplement parce que ce n’est pas une sexualité fécondante.