Dans un récit-roman d’une grande sensibilité, notre chroniqueur, Frédéric Potier raconte un épisode peu connu de la vie de Jean Jaurès. Un duel, le 6 décembre 1904, face à Paul Déroulède, figure de la droite nationaliste, exilé en Espagne suite à une tentative de coup d’Etat ratée. Dans ce récit-roman joliment écrit, Potier place Jaurès dans le train qui l’emmène vers l’Espagne. Il discute avec ses compagnons, ceux qui l’accompagnent. Il justifie l’acte d’aller défendre son honneur en duel. Par principe, aussi. Ceux humanistes et socialistes qu’il s’échine à défendre depuis son entrée en politiques. Droite nationaliste et réactionnaire face aux tenants d’une gauche laïque et républicaine. Affrontements d’hier, mais aussi, en creux, d’aujourd’hui. Affrontements qui donnent une perspective. Sur nos acquis, et sur nos abandons.
Habileté stylistique, régal de lecture
Dans ce texte qui raconte un épisode datant de 120 ans, Potier restitue une ambiance, une force de conviction, une humanité chez le grand ténor socialiste. Dans les interstices des moments de réflexion de Jaurès dans ce train, il glisse son savoir des portraits, des situations et des instants qu’il faut capturer ou raconter pour mieux cerner un personnage. C’était déjà le cas dans les deux romans noirs que Potier a signé aux éditions de l’Aube, cela ressort encore plus grâce à une belle maîtrise de l’écriture dans ce texte à la fois, historique, politique et romanesque. Dans ce duel au pistolet, Jaurès joue son honneur, certes, mais il défend aussi la République, en rappelle les principes et la grandeur. Des passages magnifiques donnent aux mots de Jaurès une force universelle. De celle qui vient du passé et tend vers l’avenir. Ce livre de Frédéric Potier constitue un régal littéraire, historique et politique dont il serait bien bête de se priver. Avec à la clé, un scoop : “non ils n’ont pas tué Jaurès” comme le disait la chanson de Brel. Jaurès vit. A travers les mots de Potier. Mais aussi dans ce que ceux qui sont ses héritiers font et feront des enseignements majeurs du député de Carmaux.
Jaurès en duel, Frédéric Potier, Fondation Jean Jaurès/Le Bord de l’Eau, 14 euros.
Tous les livres du vendredi d’Ernest sont là.
[…] Ils n’ont pas tué Jaurès […]