“Il faut y aller, maintenant se situe en France après un coup d’État militaire. Inès, une bourgeoise de plus de soixante-dix ans, se voit contrainte à l’exil. Dans ce chaos, juste avant le départ fatidique, elle revisite son existence et sa place dans l’Histoire. Et s’adresse à Aida, son sauveur inattendu, dans un monologue à deux, poignant et effréné”, prévient la quatrième de couverture. De fait, tout le livre d’Emmanuelle Heidsieck (dont nous vous avions parlé pour son précédent livre) est basé sur le dilemme qui va étreindre Inès. Fuir ou rester. Et si l’on reste comment résister ? Dans ce livre écrit à l’os dans lequel chaque mot compte et où rien ne déborde, l’autrice emmène le lecteur dans les interrogations d’Inès. Dans ce moment de bascule où la lecture conduit à s’interroger, à se poser les questions essentielles.
Inconfort fécond
Et c’est peu dire que ce roman qui apparaît pour une dystopie semble tellement réel qu’il agit aussi sur le lecteur comme une forme d’alerte. Dans ce livre politique au sens noble du terme, Heidsieck secoue les certitudes, décortique les motivations, souligne les contradictions et place le lecteur dans l’inconfort puissant et fécond qui peut être celui suscité par une œuvre littéraire majeure. Au-delà de l’interrogation politique autour de ce chacun et chacune serait amené à faire dans le cas de l’avènement d’une dictature militaire d’extrême droite en France (ce qui n’est malheureusement pas le scénario le moins improbable), l’autre question sous-jacente qui irrigue ce décoiffant roman est celle de la possibilité d’une renaissance. En s’exilant peut-on renaître pour ensuite revenir ? Au crépuscule d’une vie peut-on prendre une nouvelle voie ? Dans les tribulations et dans les interrogations d’Inès, il y a aussi cette question existentielle qui taraude l’Humain tout au long de son existence. De ces deux ingrédients, Heidsieck tire un roman fort, intense, dérangeant et dans lequel pointe, malgré tout, une lueur d’espoir. A lire !
Il faut y aller, maintenant, Emmanuelle Heidsieck, éditions du Faubourg