Un mois après, toujours la gueule de bois. Un mois que les barbares terroristes sont venus tuer gratuitement et en profiter pour jouir de leurs actes. Depuis, chercher l’Humanité ici, là, ou encore là. Continuer de tailler cette pierre. Difficilement. Avoir l’impression qu’au lieu de se polir, ce caillou de l’Humanité ne fait que se forger de nouvelles entailles brutes.
Désespérer. Forcément. Et donc, chercher le beau, chercher le merveilleux, chercher aussi simplement le sourire. C’est dans cette quête du sourire que l’auteur de ces lignes dominicales rêve ce matin de vous emmener. Non pas en vous conviant à un numéro humoristique, quoique cela pourrait détendre l’atmosphère. Mais plutôt dans un cheminement dans les choses qui durant ce mois éprouvant pour nous tous et toutes a permis de reprendre le souffle et surtout de ne pas sombrer.
Ce chemin, chers Ernestiens et Ernestiennes, n’est pas linéaire et ne constitue en aucun cas une injonction. Mais plutôt un partage pour qu’il puisse, soit inspirer, soit conduire grâce à la sérendipité de la beauté vers autre chose.
Cette semaine, un ovni musical venu d’ailleurs, publié à 15heures partout dans le monde et signé de ce qui constitue peut-être l’un des plus grands groupes de musique de l’Histoire : les Beatles. « Now and Then ». John, Paul, George et Ringo, réunis par la magie d’une IA et par la volonté d’un homme : Paul, qui décidément, même 53 ans après, ne s’est toujours pas consolé de la rupture du groupe. Sourire à l’idée que l’Humanité a écouté, jeudi, presque simultanément, une nouvelle chanson des Beatles.
« Et de temps en temps, tu me manques, je veux que tu sois là pour moi, que tu reviennes toujours vers moi » susurre Lennon. Comme un miroir tendu à notre humanité et à ses déchirements. Se dire que les autres, malgré leurs départs, leurs défauts et leurs failles peuvent un jour être à nouveau là pour nous. Car l’altérité manque. Car l’altérité fait partie intégrante de ce que nous sommes. « Responsable de l’autre dans le surgissement de son visage », prévenait déjà Levinas. Se regarder à nouveau partout dans le monde.
L’autre jour, des couleurs dans tous les sens. Des lignes, des épaisseurs, et puis une épure. Des lignes plus claires. Toujours des couleurs. Questionnements permanents, balancier entre figuration et abstraction en fonction des soubresauts du monde. Nicolas De Staël est exposé à Paris et sa peinture donne à réfléchir et à ressentir. Comme un bon roman. D’ailleurs, même sorti depuis quelques jours, y retourner pour sentir d’autres sensations, d’autres émotions. Comme en reprenant des passages d’un livre aimé. Se dire que dans ces balancements de figuration à abstraction résonnent nos balancements. Intimes et collectifs.
L’autre jour encore, toujours sur le chemin de la consolation et de la recherche de la beauté et du sourire, un spectacle d’une liberté folle et d’un humour puissant. Sophia Aram utilise l’humour comme une arme pacifiste pour dézinguer tout ce que l’époque compte comme empêcheurs de vivre, baiser, penser librement, en rond. Dans le marasme politique et géopolitique actuel, sortir avec le sourire. Comme lorsque l’on referme la « conjuration des imbéciles » de O’Toole ou Sharp. Comme quand on vient de conjurer la tristesse et les imbéciles avec une belle tranche de rire.
Des mots, aussi, évidemment. Hasard de la vie : Gary, « la vie devant soi ». Une vieille édition que l’on croyait perdue, retrouvée. Replonger. « il m’a expliqué en souriant que rien n’est blanc ou noir et que le blanc, c’est souvent le noir qui se cache et le noir, c’est parfois le blanc qui s’est fait avoir. » Encore. « Je crois que c’est les injustes qui dorment le mieux, parce qu’ils s’en foutent, alors que les justes ne peuvent pas fermer l’œil et se font du mauvais sang pour tout. Autrement ils seraient pas justes. » Toujours. « Pendant longtemps, je n’ai pas su que j’étais arabe parce que personne ne m’insultait. » Encore un peu. « Moi ce qui m’a toujours paru bizarre, c’est que les larmes ont été prévues au programme. Ça veut dire qu’on a été prévu pour pleurer. Il fallait y penser. Il y a pas un constructeur qui se respecte qui aurait fait ça. » Madame Rosa et Momo. Champ des possibles humains. Des larmes…
Avant-derniers mots. Ou plutôt avant dernières notes. « And I just need some peace from the stars. I got to take a break from it all », chantent les Stones dans « Dreamy Skies » issu de leur dernier album « hackney diamonds ». Faire un break de tout cela. Pourquoi pas finalement ?
Et sourire encore dans « l’iris blanc » d’Astérix où par le truchement de la Rome antique, Fabcaro (le scénariste) interroge la passion contemporaine du bien-être individuel et égoïste.
Se retrouver au point de départ. Riche de nouvelles émotions ou d’émotions redécouvertes. Intranquille toujours. Humain, trop humain. Sourire, encore. Vous regarder : vous imaginer sourire à votre tour. Se dire que tout n’est pas perdu.
Bon dimanche,
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