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La volonté de vouloir

Nick Fewings IoNNsLBO8hE Unsplash

Ce soir c’est le dernier soir de la fête juive de Hanukkah. Durant cette célébration les juifs commémorent la façon dont ils ont repris le temple de Salomon et leur victoire contre les armées séleucides et l’hellénisation. Selon la légende, alors qu’ils venaient de revenir dans le temple de Salomon et qu’il convenait d’allumer les lumières pour sept jours afin de redonner au lieu sa dimension sacrée, ils n’avaient plus assez d’huile. Ils leur fallait travailler sept jours pour produire l’huile nécessaire et rallumer donc le temple. Fallait-il attendre ou décider d’allumer la fiole restante ?
Ils firent alors le choix d’allumer la fiole. Celle-ci devait brûler une journée, elle dura huit jours…

Évidemment, tout est symbole pourrait-on dire. Le symbole de la lumière qui tient plus longtemps que prévu pour permettre une victoire. Symbole également de cette capacité – grâce à l’espoir et à la volonté – à faire que les choses adviennent ainsi que nous le souhaitons. C’est une histoire juive, certes. Mais c’est avant tout une histoire humaine. Dans son triptyque passionnant, “le je-ne-sais quoi et le presque rien”, le philosophe et musicologue Vladimir Jankélévitch écrit : “L’oiseau n’est pas un docteur es sciences qui puisse expliquer pour ses confrères le secret du vol. Pendant qu’on discute sur son cas, l’hirondelle, sans autres explications, s’envole devant les docteurs ébahis… Et de même il n’y a pas de volonté savante qui puisse expliquer à l’Académie le mécanisme de la décision : mais, en moins de temps qu’il n’en faut pour dire le monosyllabe Fiat, l’oiseau Volonté a déjà accompli le saut périlleux, le pas aventureux, le vol héroïque du vouloir ; la volonté quittant le ferme appui de l’être, s’est déjà élancée dans le vide.”

Symbole encore. Symbole toujours. Mais Jankélévitch insiste et ajoute, au “je ne sais quoi” qui entraîne l’action, une autre idée : “la volonté de vouloir”. Cette capacité de l’homme libre à décider de son destin.  A peut-être même forcer les choses, simplement par sa mise en marche. C’est peut-être ce que firent les hébreux avec leur fiole d’huile. C’est aussi sûrement ce que firent toutes celles et tous ceux qui, un jour, se sont sentis opréssés par leur condition et qui ont décidé de tout faire pour en sortir.
Certainement que vous vous interrogez sur le sens de ce propos, aujourd’hui. Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que la semaine qui vient de s’écouler nous rappelle que nous avons besoin d’espoir, que l’espoir est à la base de ce qui constituera notre “volonté de vouloir” intime, mais aussi, j’en suis convaincu, collective.

D’ailleurs, déjà, cette semaine, nous en avons eu la preuve. Pour la première fois (même si cela peut paraître hallucinant en 2021 qu’aucune enceinte universitaire n’ait jusque là accueilli ce texte) dans une enceinte universitaire, la pièce tirée du livre de Charb “Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes” a été jouée. C’était à Sciences Po, et ce fut un moment de rire, d’intensité politique forte au sens le plus noble du terme et surtout un moment de transmission. Espoir de Charb qui lorsqu’il écrit ce livre est persuadé qu’il doit faire passer ce message. Volonté de vouloir de l’auteur, évidemment, mais aussi de toutes celles et tous ceux, qui depuis que Charb n’est plus, ont repris le flambeau et ne laissent pas l’obscurantisme gagner.

 Nous en avons déjà parlé dimanche dernier, mais cette semaine, il y eut aussi l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker symbole – ô combien – éclatant de l’espoir couplée d’une volonté de vouloir si forte qu’elle en entraînait les autres. Quel bel enseignement, là encore, pour chacune et chacun de nous.
Dans le superbe livre qui vient de sortir chez Seghers “Get Back” autour de la conception du dernier album des Beatles et alors que le groupe est presque en instance de séparation, une chose rend l’avènement de “Let It Be” possible : l’envie folle des Fab Four de “faire un concert comme jamais personne n’en a fait”. Ils le feront. Sur le toit d’un immeuble de Londres se faisant finalement déloger par la police.

Dans tous ces événements un triple point commun : l’espoir fou, le culot, et aussi l’action. Dans ces trois événements, aussi, l’impression de l’impossible. Et pourtant celui-ci advient. Non pas par un miracle, ou par magie. Juste parce que la volonté de l’espoir guide celles et ceux qui sont acteurs.  Quelques mots du dimanche matin pour se rappeler qu’ensemble nous pouvons tout, que ce qui paraît inatteignable est faisable et que le rance du monde que l’on peut ressentir par instants n’est en aucun cas une fatalité et qu’il nous appartient de nous en préoccuper. Quelques mots, aussi pour se rappeler comme disait l’autre, que ce n’est pas parce que “nous connaissons les limites du possible qu’il faut s’arrêter. Au contraire il faut alors tenter l’impossible dans les meilleures conditions”.

Bon dimanche,

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