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Sensible ta mère !

Nathan Dumlao EPpmQg24Ipk Unsplash

Ne surtout pas choquer et déranger. C’est la mission de “Feel Good” dans “Sensibilités”, le roman réjouissant et salutaire de Tania de Montaigne où les “sensibles” en prennent pour leur grade ! A ne pas manquer.

C’est l’histoire d’une maison d’édition, nommée “Feel Good”. Elle est à la pointe du progrès. Elle met tout en œuvre pour effacer des mots des manuscrits afin que plus personne ne soit heurté dans sa sensibilité. Chez Feel Good, tout doit bien se passer. Cela malgré la violence du monde extérieure. Toute ressemblance avec la réalité etc…. Le dernier roman de Tania de Montaigne, “Sensibilités”, chez Grasset est un régal de drôlerie, d’humour, d’intelligence et de causticité. Un excellent roman qui pousse à l’extrême la caricature de ce monde de “génération offensée” (Fourest) ou “Ouin-Ouin” (Ellis) où l’art n’a plus qu’une seule mission : ne pas choquer . Problème cela travesti la mission de l’art qui consiste, notamment, à faire vivre à celui ou celle qui le reçoit une expérience sensible propre à le faire sortir de sa zone de confort, voire même à le mettre en déséquilibre pour qu’il puisse, justement, ressentir des émotions positives, comme négatives.

Capture D’écran 2023 09 22 À 11.40.52Un roman plein de trouvailles où les lecteurs de Feel Good doivent être “heureux et calmes”, où l’article 2 de la charte de “Feel Good” interdit aux auteurs et autrices de la maison d’édition “tout sujet en lien avec la religion”, où les “mots problématiques” (article 3) qui sont des mots ou des idées qui ne permettent pas de se sentir “bien et confortables.” Tania de Montaigne s’amuse des travers de l’époque dans une fable virevoltante et par instants glaçante tant on sent bien qu’elle n’est pas si éloignée du réel qui est en train de se créer devant nous. Un roman qui résonne avec la récente polémique entre Kévin Lambert figurant sur la première liste du Goncourt 2023 et revendiquant l’appel à des “sensivity readers” pour son livre et Nicolas Mathieu, Goncourt 2018 qui considère, lui, que cela travestit la littérature en fixant ce qui est acceptable ou non. Ou quand vouloir faire le bien devient nuisible.

Le roman de Tania de Montaigne a ceci de passionnant qu’il tire le trait jusqu’au bout du bout pour faire voir à quel point une société qui n’accepterait plus du tout des œuvres d’art qui peuvent être choquantes et envisagerait de tout lisser, de tout gommer comme s’il existait un art acceptable et un art…dégénéré deviendrait, inévitablement, une société totalitaire dans laquelle, la liberté serait profondément réduite et où la mémoire et l’histoire apparaîtraient comme des outils obsolètes. Refermant l’ouvrage, l’envie de crier “Sensible ta mère!” est grande. Tout comme celle d’offrir et d’offrir encore ce roman réjouissant et salutaire !

Sensibilités, Tania de Montaigne, Grasset.

Toutes les inspirations d’Ernest sont là.

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