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Lettre aux fanatiques de la gomme

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Drôle de maladie. Notre époque a ceci de “magique” qu’elle rend réel ce que les écrivains avaient, il y a longtemps, imaginé. Dans 1984, Georges Orwell avait raconté un monde dans lequel des gens étaient payés pour réécrire les livres. Nous y sommes. Cela va avec la maladie de notre époque qui s’évertue à tout décontextualiser pour perdre la trace des choses. Ainsi, les fanatiques de la gomme ont décidé cette fois-ci de réécrire les livres pour enfants de Roald Dahl et d’amender – aussi – certaines aventures de James Bond signées Ian Fleming. Le gourmand de “Charlie et la Chocolaterie” ne sera donc plus “gros”, et les Oompa Loompas ne sont plus des “petits hommes” mais des “petites personnes“. Lumineux, vraiment.

Gommer ceci, gommer cela, toujours cette passion pour la gomme magique. Comme si nos yeux d’aujourd’hui étaient meilleurs que les yeux d’hier. Gommer, toujours gommer, pour se donner bonne conscience. Casa toujours pimpante.

Il faut reconnaître que les fadas de la gomme regorgent d’une imagination débordante. Ils ne sont jamais en retard d’une idée lumineuse pour réécrire les œuvres d’hier avec leur pudeur d’aujourd’hui. Comme si les œuvres d’art étaient de vulgaires produits qu’il s’agirait de faire coller avec le marché actuel.

Et si toute cette énergie stratosphérique était employée non pas à réécrire les œuvres d’hier mais à inventer et à créer des œuvres pour aujourd’hui et pour demain ? Des œuvres qui raconteraient notre époque, nos nouveaux standards d’égalité et nos nouveaux imaginaires. Certes, c’est beaucoup demander. Il faut travailler, se faire mal, imaginer, rater, perdre, pleurer, rire, vivre intensément, non pas drapé dans la vertu.
Mesdames et messieurs, fanatiques de la gomme, nous vous prions d’employer votre énergie à créer des héroïnes inspirantes pour demain, à contribuer à construire nos nouveaux imaginaires et surtout d’arrêter de prendre les lecteurs pour des demeurés.

Non, ce n’est pas parce que nous lisons “Tintin au Congo” que dès la dernière page tournée, nous nous mettons à insulter notre voisin différent de nous. Au contraire même, “Tintin au Congo” a certainement été pour nombre de lecteurs un révélateur de ce que voulait dire le mot racisme, justement. Non, ce n’est pas parce que nous aimons le Caravage que nous devenons, c’est selon, soit des irréductibles religieux, soit des blasphémateurs (quoique). Mesdames et messieurs, accros de la gomme et des ciseaux, peut-être est-il utile de vous rappeler ici à quel point la littérature est le reflet de l’époque dans laquelle elle a été écrite et non pas de celle dans laquelle elle est lue !

Alors, de grâce arrêtez de gommer et de réécrire ! Gommeurs et Gommeuses de tous les pays, unissez-vous et inventez. Faîtes nous rêver avec des héros et des héroïnes d’aujourd’hui. Pris dans leurs contradictions, leurs excès et leurs beautés. Merci par avance !

Tiens, on me dit dans l’oreillette que le message n’est pas entendu sur les colonnes et que les fadas de la gomme sont toujours motivés pour gommer et réécrire. Soit.
Comme nous sommes charitables : une idée : commencez par réécrire tous les passages scandaleux de la Bible, du Coran et de la Torah ! Avec la puissance de votre imagination, il est certain que vous aurez beaucoup de travail.

Bon dimanche, sans gomme.

 

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