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Répétition

Chuttersnap Mf O1E7omzk Unsplash

Ce matin un lointain souvenir ramène au collège. A cette enseignante d’histoire-geo qui alors qu’elle racontait une nouvelle fois la façon dont la Révolution française avait pu advenir et comment cela avait été le résultat d’un processus long et profond, s’arrêtait un instant, avisait la classe avec un regard mi-amusé, mi-déterminé et lançait : “je sais que je vous l’ai déjà raconté, mais la pédagogie, c’est aussi de la répétition. Des mots employés aujourd’hui vous donneront peut-être accès d’une meilleure façon à l’histoire déjà entendue.” Elle reprenait alors le fil du cours. Inlassablement. Répétition. Pédagogie. Mots différents. Ce matin, chers amis, nous allons peut-être nous répéter. Mais qu’importe…

Ces derniers jours un livre magnifique et indispensable a paru. Dedans, il est question d’humour, de caricature, de capacité des uns et des autres à sortir de soi-même pour accéder à l’autre à travers la dérision, le rire, et l’autodérision. Dans ce livre, il est aussi question de liberté d’expression, de lutte contre l’obscurantisme, de magnifier l’esprit critique, d’irrévérence et de blasphème.

Dans ce livre il est question de courage, de dignité, de renoncements aussi. De ces renoncements qui ont habitué au pire pour ne pas dire qu’ils ont permis le pire. Dans ce livre, il est question de nos libertés et de ce qu’il nous faut faire pour les conserver. “C’est à nous, et à nous seuls, qu’il revient de réfléchir, d’analyser et de prendre des risques pour rester libres. Libres de nous engager et d’être ce que nous voulons. C’est à nous, et à personne d’autre, qu’il revient de trouver les mots, de les prononcer, de les écrire avec force, pour couvrir le son des couteaux sous nos gorges.

À nous de rire, de dessiner, d’aimer, de jouir de nos libertés, de vivre la tête haute, face à des fanatiques qui voudraient nous imposer leur monde de névroses et de frustration – en coproduction avec des universitaires gavés de communautarisme anglo-saxon et des intellectuels qui sont les héritiers de ceux qui ont soutenu parmi les pires dictateurs du XXe siècle, de Staline à Pol Pot”, écrit notamment son auteur.

Dans ce livre il est donc question aussi de la France. De ce que nous sommes en tant que nation politique et non ethnique n’en déplaise au télévangéliste raciste et inculte qui se baigne en Méditerranée et dont les médias complaisants sont en train de construire le personnage. Dans ce livre, il est question aussi des religions. Des religions qui – parfois – deviennent aliénation de l’esprit.

Au mois de février dernier, nous avions rencontré pour un roman l’auteur de ce livre. Il nous avait confié la chose suivante : “Je ne sais pas si j’aurais été capable de revendiquer le droit d’emmerder Dieu dans un tribunal sans la liberté d’esprit que m’a offert la littérature”. Littérature, liberté d’esprit, capacité à revendiquer un libre arbitre. Besoin de raconter ce que nous sommes collectivement. Vous l’avez peut-être deviné : l’auteur de ce livre c’est Richard Malka et le titre est le même que celui de sa plaidoirie lors du procès des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, la policière Clarissa Jean Philippe et l’Hyper Cacher : “Le droit d’emmerder Dieu”. Lors du procès, Richard Malka avait dû couper un peu son propos. L’ouvrage livre lui l’entièreté de la plaidoirie et la publication par Grasset alors que les débats du procès des attentats du 13 novembre soulèvent des questions similaires est une aubaine. Aubaine pour tous les républicains qui y trouveront de la matière pour porter toujours plus haut notre idée de nation politique et collective au sein de laquelle il est plus important de “faire ensemble” plutôt que de “vivre ensemble”. Aubaine aussi pour se rappeler, toujours, comment le rire et la distance aident à grandir et à s’élever. Aussi, en plus de rejoindre le club de “ceux qui emmerdent Dieu” et le revendiquent nous suggérons que ce livre puisse être lus dans tous les collèges de France. Certain que cela fera plaisir à la prof d’histoire qui aimait la répétition…

Bon dimanche,

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