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Élégie jaune

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Ce mois-ci Renaud Large dans "La politique est un roman", s'interroge  : pourquoi la fiction hexagonale a du mal à s'emparer de l'histoire immédiate pour en faire des romans ? Éléments de réponse à l'aide d'un sublime roman américain signé JD Vance.

Le 17 novembre prochain, le mouvement des gilets jaunes fêtera son quatrième anniversaire. Le phénomène a été analysé sous toutes les coutures. Certains ont trouvé des raisons à la colère populaire; d’autres ont essayé d’apporter des solutions au ressentiment. Le pays a-t-il définitivement tourné la page de cet épisode ? Rien n’est moins sûr. Les conditions qui ont présidé à l’émergence du mouvement sont ancrées. L’augmentation structurelle des prix, l’exigence de sobriété énergétique, bref la fin de l’abondance qui touchera d’abord les plus précaires constituent un cocktail social inflammable.

Quatre ans plus tard, le mouvement des gilets jaunes continue de constituer une référence obligée du discours politique. En revanche, et c’est là, le point le plus surprenant, il n’a pas ou peu inspiré la création culturelle. Sociologues, philosophes, politologues se sont penchés sur le berceau de la révolte. Les écrivains, les cinéastes et les scénaristes, eux, sont restés en retrait. La blessure est-elle encore trop vive pour que les artistes aident le pays à trouver un exutoire ? C’est une possibilité. La guerre d’Algérie, meurtrissure française, a longtemps été un tabou artistique. Ce n’est qu’au tournant des années 2000, plus de quarante après les faits, que films et livres se sont multipliés sur le sujet. Le monde culturel est-il trop éloigné socialement de la France des fins de mois difficiles ? C’est aussi une hypothèse. Rappelons-nous le “journal du confinement” de Leila Slimani. La lauréate du prix Goncourt 2016 étalait des préoccupations lunaires pour les “premiers de corvées”. On doit ici nuancer le propos en rappelant - une fois encore -  la qualité de l'œuvre de Nicolas Mathieu. Il a été, lui aussi,  lauréat du prix Goncourt en 2018, à la veille de l’entrée en scène des gilets jaunes. L’auteur parvient,  pour sa part, à donner une esthétique au rond-point, à la périphérie du pays et à sa complexité humaine. Mais, Nicolas Mathieu n’a pas encore fait école. Il est l’avant-garde esseulée de la littérature du populaire. Il n’a  pas été adapté à l’écran, à l’exception de son thriller social, aux animaux la guerre.