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Faire de l’automne un paradis

Jeremy Thomas O6N9RV2rzX8 Unsplash(1)

A la faveur de l’automne, reviens cette douce mélancolie », dit la chanson. Douce mélancolie. Alors que les couleurs de nos arbres sont de plus en plus brunes et que le soleil leur donne un halé doré, nous avions envie, chers amis, ce matin, alors que vous êtes peut-être encore dans votre lit de vous inviter à vous prélasser encore un peu.

Cette douce mélancolie automnale… Idéale pour se faire porter un petit déjeuner au lit. Cette douce mélancolie automnale où se mêlent les doux souvenirs et les questions du moment. Cette douce mélancolie automnale où l’on aime retrouver les gens et les endroits qui nous font du bien. Cette douce mélancolie automnale où l’on sent bien par quelques moments de fraîcheur qu’elle annonce l’hiver. Cette douce mélancolie automnale qui donne envie de partir faire une longue balade en forêt.
Pour humer les odeurs de mousse, pour y éprouver le début d’une douce humidité, et pour y voir comment les arbres se préparent à l’hiver autant qu’ils font encore les fiers devant le soleil pour y puiser de la force, encore. Tiens, les amis, après que nous soyons restés au lit nous pourrions peut-être aller en balade ensemble.

Venez, nous y allons. Nous échangerions forcément sur ces mots parfaits, uniques et magistraux prononcés par Richard Malka lors de sa plaidoirie lors du procès en appel des attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’HyperCacher.
« Depuis quinze ans, j’ai dit tout ce que j’avais à dire sur la liberté d’expression. A quoi bon plaider une fois de plus ? », a -t-il d’abord interrogé avant de poser le diagnostic d’une maladie :  « Quel est cet accusé qui ne comparaîtra jamais, qui tue indistinctement juifs, athées, chrétiens et musulmans ?  Accusé dont il faudrait ne jamais prononcer le nom, il faut le regarder en face. Il s’appelle religion », a lancé Malka avec force. Avant de nous inviter à nous tourner vers l’islam des lumières et à faire la chasse aux Tartuffe de l’islamophobie.

Puis à nous rappeler la force de la création : « Aux universitaires de travailler pour notre futur commun. Aux intellectuels de faire preuve d’un peu de courage, de défendre le vertige de la liberté plutôt que le respect des dogmes. Aux artistes et aux créateurs de retrouver la liberté de Molière et de Voltaire, sinon à quoi bon créer ? Qui ose encore ? A eux de ne pas abandonner l’audace de la critique des religions dans les tombes de ceux qui ont forgé la liberté dont ils bénéficient ».

Au cours de notre balade, nous nous promettrons d’être au rendez-vous. Toujours, encore. Inlassablement. Certainement que cette évocation, nous conduira par les chemins  résonnants de la pensée aux fusillés de Chateaubriand, tués par les nazis le 22 octobre 1941. Parmi eux Guy Môquet. « Vous qui restez soyez dignes de nous qui allons mourir » écrivit-il quelques heures avant d’être fusillé. Être digne de ceux qui sont morts. Un message d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Il vient du passé et tend vers l’avenir.

Alors que la balade dans la forêt bercée par les lumières orangées se fera plus douce, nous rirons d’une blague, nous parlerons du ballon d’or, et aussi et surtout des derniers livres lus. « Le mage du Kremlin », Giuliano da Empoli que l’on n’avait pas forcément envie de lire, mais qui est proprement vertigineux sur ce que le pouvoir fait aux hommes et ce qu’ils en font. Et l’Ukraine et le drame vécu par nos frères et sœurs en humanité là-bas, sous le feu russe, serait ainsi avec nous. Dans notre mélopée d’automne à travers les bois.

Certainement que nous parlerions aussi, ensemble main dans la main ou bras dessus bras dessous, de cette merveilleuse artiste qu’est Joan Mitchell et dont une rétrospective a lieu en ce moment. Associée aussi à Claude Monet. Entre modernité et classicisme. Tournée vers la couleur. A la fois explosif et doux. Il est aussi certain que lors de notre belle promenade automnale, l’un ou l’une d’entre nous nous fera part de ses dernières découvertes musicales. De celles qui apaisent. Et la pop solaire de Kids Return pourrait être de celles-ci.

Alors que nous chercherons à étirer la balade, à étirer le temps, comme le soleil d’automne qui fait du zèle pour ne pas se coucher trop tôt, des moments suspendus auront lieu. Dans des regards échangés, dans des sourires, dans un baiser peut-être, pourquoi pas.

Le froid viendrait peut-être nous saisir au tournant d’un chemin revenant vers le village ou la maison. Des livres encore. Le roman façon Polaroïd de Guy Birenbaum « Toutes les histoires sont vraies » ou alors celui puissant d’Agnès Michaux « La fabrique des chiens », où en 1909 à Paris un monde s’invente et où Proust croise Debussy et Apollinaire.

Nous n’aurons pas envie de terminer cette « passegiatta » comme disent les Italiens. Parce que nous y sommes bien. La beauté permet de nous soustraire à l’horreur du monde. Elle nous donne la force. D’être. De se rencontrer. De s’aimer. De se retrouver.

Et surtout de faire que l’automne soit une sorte de petit paradis. De ceux que l’ont chéris. De ceux qui font grandir. De ceux qui ouvrent l’esprit. De ceux qui rapprochent ceux qui s’aiment. De ceux qui ressemblent à la vie : en couleur : rouge, orange, marron, jaune, vert, toutes les nuances. Vraiment toutes. Sauf peut-être celle que l’on voit peu finalement en automne : le noir. 
Quand on vous disait que l’automne était un paradis. Elle était bien notre balade, non ? Pas envie de la terminer. Et pourtant, il le faut. Pour pouvoir en vivres d’autres.

Bon dimanche d’automne les amis

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