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La rentrée Rushdie

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La phrase d’Albert Camus est connue. Ce fameux moment de l’hiver où il découvre en lui un invincible été. Alors que notre été se termine a-t-il permis à chacune et à chacun d’entre nous de faire les réserves de l’été invincible quand l’hiver sera venu ? Chacun possède sa réponse. Certainement que les moments rares, les cultures découvertes, les odeurs, les sensations, les rires, les peines, les manques, les désirs, les lectures  qui ont habité cet été 2022 permettront de bâtir les contours de l’année à venir. Voire même les contours des années à venir.

Je me souviens de l’été 1996. Durant cette longue pause estivale de lycéen, le hasard de la vie avait placé entre mes mains le livre de Salman Rushdie « Les Versets sataniques ». Je me souviens d’un démarrage de lecture ardu, et puis je m’étais glissé dedans. Avec délectation. Dans ce livre qui est la littérature en ce sens qu’il donne à la fiction la puissance de tout interroger, de tout malmener, de tout bouleverser, Rushdie s’amuse et se délecte et le lecteur avec lui. Je me souviens que cette lecture était agrémentée de Disco 2000 de Pulp, et aussi du fameux Lemon Tree de Fools garden. Ces chansons et surtout ce livre ont ensuite été la source, durant les hivers, d’invincibles étés. Comme des marqueurs. Comme des éléments constitutifs.

Lors de cet été 2022, Salman Rushdie a été agressé par un fanatique islamiste qui avait pour mission d’accomplir la fatwa de l’ayatollah Khomeini. S’il y eut des condamnations, il y eut aussi beaucoup de silences … Ainsi, un écrivain est agressé par un fou de Dieu et certains ne réagissent pas. Comme s’ils n’avaient pas encore compris qu’attaquer un écrivain, quelqu’un dont le métier est de nous raconter des histoires et de nous interroger grâce à des mondes magiques et /ou inventés, c’est attaquer l’humanité toute entière. Dans sa chair et dans sa sensibilité. Cet événement sera l’un de mes invincibles étés lorsque l’hiver viendra. Pour se souvenir toujours et encore de ce qui est crucial et de ce qui ne l’est pas. De se souvenir de ne jamais mettre un genou à terre contre les fanatiques.

Ce sera, comme depuis la rentrée 1996, l’une de mes résolutions. Car, oui, la rentrée c’est aussi ce moment étonnant où l’on se donne à soi-même des défis. Certains seront tenus, d’autres non. Peu importe. Ils disent notre humanité là aussi.

Et de profiter de ce moment du dimanche, rien qu’à nous, pour en partager quelques-uns avec vous.

– Ne pas lire le mauvais livre caricatural et mal écrit de Virginie Despentes qui avait déclaré, sans honte ni vergogne, au moment des attentats de Charlie hebdo à propos des frères Kouachi : “J’ai été aussi les gars qui entrent avec leurs armes. Ceux qui venaient de s’acheter une kalachnikov au marché noir et avaient décidé, à leur façon, la seule qui leur soit accessible, de mourir debout plutôt que vivre à genoux. J’ai aimé aussi ceux-là qui ont fait lever leurs victimes en leur demandant de décliner leur identité avant de viser au visage. J’ai aimé aussi leur désespoir.”



– Aimer, Aimer, Aimer

– Relire Rushdie. Il écrivait dans l’un de ses essais la phrase suivante : “Nous vivons une époque où l’on nous somme de nous définir de plus en plus étroitement, de comprimer notre personnalité multidimensionnelle dans le corset d’une identité unique, qu’elle soit nationale, ethnique, tribale ou religieuse. J’en suis venu à me dire que c’était peut-être cela le mal dont découle tous les maux de notre époque“.

– S’amuser, s’amuser, s’amuser

– Ne pas lire le mauvais livre caricatural et mal écrit de Virginie Despentes

– Jouer, jouer, jouer

– Relire Rushdie. “La littérature ne peut ni désamorcer une bombe, ni arrêter une balle mais les écrivains peuvent toujours célébrer la vérité et nommer les mensonges, nous devons raconter de meilleures histoires que les imbéciles et les tyrans.”

– Lire les 5 indispensables de rentrée d’Ernest. Par ici.

– Vivre, Vivre, Vivre.

 C’est ainsi que nous résisterons à tout. “Les seuls gens qui existent sont ceux qui ont la démence de vivre, de discourir, d’être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, qui ne savent pas bailler”, invitait Jack Kerouac.

Bonne rentrée les amis,

PS : Ernest a besoin de vous. En cette rentrée, réabonnez-vous ou invitez-vos ami(e)s à nous rejoindre. Par là.

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