Tout au long du mois de septembre, Ernest explore pour vous la rentrée littéraire. Voici les 5 premiers indispensables à vous procurer d’urgence !
Comme chaque année la rentrée littéraire avec un nombre colossal de romans conduit à des désillusions pour des auteurs et des autrices qui pourtant signent des livres magistraux mais que des critiques littéraires avides de paresse ne voient pas dans leur pile à lire où seule le très mauvais livre de Virginie Despentes semble avoir réussi à se frayer un chemin. Aussi, voici cin livres superbes, intelligents, fins et plein de beauté littéraire. A lire absolument !
Partie Italienne, Antoine Choplin, Buchet-Chastel
Antoine Choplin a déjà écrit huit livres et nous ne le connaissions pas encore. Puisse ce magistral “Partie italienne” le faire lire par le plus grand nombre possible. Il y a des livres qui sont brefs mais qui laissent une empreinte. Partie italienne est de ceux-ci. L’un des plus beaux textes de cette rentrée. Gaspar, artiste reconnu, part à Rome pour réfléchir. Il s’installe au Campo dei fiori pour jouer aux échecs.
Un jour, Marya vient jouer avec lui. Quelque chose se noue. Une histoire. Celle d’un joueur disparu. Celle de Giordano Bruno. Et une autre, la leur. L’écriture est entêtante. L’histoire touche au cœur et résonne longtemps chez le lecteur. En peu de mots, Choplin dit l’amour, la rencontre, le désir, la transmission et la beauté de l’art. Un roman intimiste, doux et fort, rempli de grâce, de délicatesse et de sensualité, qui laisse le lecteur dans une douce rêverie une fois la dernière page refermée.
L’inconduite, Emma Becker, Albin Michel
Nous avons déjà dit ici l’immense bien que nous pensions d’Emma Becker, autrice audacieuse, pleine d’une écriture à la fois ciselée et ample et d’une liberté réelle, loin des bienpensances de l’époque. Nous l’avions interrogée longuement pour son livre “La maison” “Le désir est le plus bel objet littéraire qui soit”, nous disait-elle. La voici de retour. Et quel retour !
Emma Becker est l’autrice du désir. De ce qu’il fait de nous, de ce qu’il dit de nous, de ce qu’il engendre de nous. Autrice du remarqué et remarquable « La maison » dans lequel elle narrait un an passé dans une maison close à Berlin, elle revient avec un texte incandescent, fort et plein d’humour sur une femme qui doit à la fois concilier son désir d’être regardée et touchée par les hommes, la maternité, et son couple. Alors que le pitch pourrait laisser perplexe, l’écriture et la liberté d’Emma Becker donnent à « L’inconduite », une grandeur littéraire certaine. Emma Becker ausculte tout, ose tout, et livre finalement un roman d’amour profond. Un amour qui s’invente et se réinvente. Un amour empli de liberté, de respect et d’imagination.
Le trésorier-payeur, Yannick Haenel, Gallimard
Yannick Haenel est un mélange d’esthète des mots, de poète, et de conteur. Il aime autant le mysticisme laïc que la sensualité. Nous l’avions déjà rencontré et il nous avait dit à quel point la littérature était pour lui érogène. (L’entretien est là). Dans son nouveau livre “Le tresorier-payeur”, il est d’abord conteur. Pour narrer l’histoire de Georges Bataille (non, pas l’écrivain), trésorier-payeur de la Banque de France de Béthune en charge des dossiers de surendettement. Mais Bataille est avant tout un philosophe, amoureux des femmes, spécialiste d’économie, et humaniste. L’homme est aussi attachant que coplètement loufoque. Comme si Haenel avait décidé de mettre en scène l’histoire (vraie ? Peut-être, peut-être pas, qui sait ?) de ce banquier qui ressemble à s’y méprendre au banquier anarchiste de Fernando Pessoa.
Le livre alterne des scènes d’une sensualité rare, avec une façon de dire l’absurdité économique du monde pédagogique, drôle, fine et tellement littéraire, avec enfin une recherche initiatique. Celle du personnage, celle de l’auteur, celle du lecteur ? Peut-être un peu des trois. Quoi qu’il en soit, on ressort du livre en ayant noté des phrases, en ayant relus des passages d’une beauté ou d’une sensualité rare. On ressort de là avec le sourire, sachant que peut-être nous y reviendrons. Le roman de Yannick Haenel ferait un très beau prix Goncourt tant il mélange la beauté littéraire, la recherche du mot juste, l’expérience sensorielle et surtout la fiction et la réalité pour faire danser l’esprit des lecteurs.
Variations de Paul, Pierre Ducrozet, Actes Sud
Pierre Ducrozet est un écrivain ambitieux. Bourré de talent. Dans son dernier roman “Variations de Paul”, il parvient à embrasser l’histoire de la musique, le roman familial, la recherche existentiel de plusieurs personnages, et les histoires avec la grande histoire de notre monde. On suit les pérégrinations de Paul, sa recherche permanente du bon tempo dans la vie comme dans la musique, celles de ses enfants, mais aussi de son père. Il y est question de transmission. Et si, loin de tous les plans, nous transmettions ce que nous sommes, semble interroger le livre ?
La mélopée de l’écriture est entêtante et entraînante. Tantôt émouvante, tantôt drôle, tantôt pleine d’entrain comme lors d’une fête épique en Corse. Le livre reste longtemps en tête une fois refermée. Comme un bon tube, une musique aimée ou une musique sur laquelle on a embrassé un amoureux ou une amoureuse. Les “Variations de Paul” sont nos variations. Les miennes, les vôtres, les nôtres. Comme dans la vie. Un livre doux, tendre, émouvant et joyeux.
L’interrogatoire, Suzanne Azmayesh, Leo Scheer
L’interrogatoire est un roman sur l’identité. Celle qui est trouble, contradictoire. Singulière. C’est l’histoire d’Ava, jeune Française d’origine iranienne, qui se retrouve longuement interrogée à son arrivée en Israël, où elle se rend à l’occasion d’un mariage. Questionnée sur son rapport au pays de ses parents, à la religion et à l’histoire de sa famille, il lui faut se confronter au poids et aux paradoxes d’une double-culture parfois difficile à porter.
Dans une langue au cordeau Azmayesh interpelle, questionne, et explore les complexités de nos identités. Le roman se lit d’une traite et porte une idée force : celles des identités multiples, des additions et des mélanges. Une idée qu’il nous faut défendre dans ce monde où la bêtise identitaire nous sépare. Sans caricature et avec finesse, l’autrice nous prend avec elle dans cet interrogatoire, dans ses doutes, et dans ses réussites. Un premier roman qui révèle une autrice.
Toutes les inspirations d’Ernest sont là.
[…] – Lire les 5 indispensables de rentrée d’Ernest. Par ici. […]
Je n’ai pas lu le dernier Despentes et ce n’est certainement pas ma priorité. Mais je ne comprends pas la hargne qui s’exprime depuis 2 parutions d’Ernest sur ce “très mauvais ” livre. Ou alors dire pourquoi il est si mauvais que ça. Sinon cela ressemble à une animosité personnelle et pas à une critique littéraire.
[…] vous avoir livré il y a dix jours 5 indispensables de la rentrée littéraire (l'article est là), et deux coups de cœur du vendredi (ici et là) Ernest continue son exploration de la rentrée […]
[…] Emma Becker sait comme nulle autre peindre, raconter, dire, sublimer tout en en perçant la réalité ce qu’est le désir et ce qu’il fait de nous. Elle est l’une des autrices d’autofiction les plus douées de sa génération tant par la qualité de son style que par l’audace des histoires qu’elle raconte. Nous l’avions rencontrée longuement pour son livre « La maison » et avions été parmi les premiers à dire qu’il fallait la lire. Déjà elle nous annonçait que le « désir était la plus belle matière littéraire qui soit », et nous avions fait de son précédent livre l’un des cinq indispensables de la rentrée littéraire. […]