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Emma Becker : “La bisexualité est l’une des solutions aux problèmes du monde”

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Emma Becker, une autrice qu'Ernest apprécie particulièrement pour la puissance de ses mots et de ses choix littéraires, est de retour avec un livre incandescent "Odile l'été" dans lequel elle interroge les imaginaires sexuels. Nouvelle rencontre.

Photos Patrice NORMAND

Capture D’écran 2023 05 12 À 23.22.13Emma Becker sait comme nulle autre peindre, raconter, dire, sublimer tout en en perçant la réalité ce qu’est le désir et ce qu’il fait de nous. Elle est l’une des autrices d’autofiction les plus douées de sa génération tant par la qualité de son style que par l’audace des histoires qu’elle raconte. Nous l’avions rencontrée longuement pour son livre « La maison » et avions été parmi les premiers à dire qu’il fallait la lire. Déjà elle nous annonçait que le « désir était la plus belle matière littéraire qui soit », et nous avions fait de son précédent livre l’un des cinq indispensables de la rentrée littéraire.

Avec « Odile l’été », publié dans la collection "Fauteuse de Trouble" dirigée par Vanessa Sprintera, chez Julliard, elle poursuit son sillon. Dans cette collection qui a pour ambition d’interroger les corps, les sexualités, et les représentations, Becker prend toute sa place.
Dans ce roman, Emma Becker raconte le cheminement sensuel d’une femme. Son attirance première pour son amie, Odile. Les plaisirs, les premiers hommes. Les autres, aussi. Au travers le récit de ce chemin de femmes, Becker ausculte la construction érotique et sensuelle des individus, et notamment des femmes, vers l’hétérosexualité. Elle le fait dans une langue exquise, pleine de volupté et d’érotisme. Une langue qui donne chaud autant qu’elle fait réfléchir. Nouvelle rencontre avec Emma Becker. Toujours aussi libre, toujours aussi décoiffante, toujours aussi passionnante.

D’où est venue l’idée de raconter ce cheminement sensuel d’une femme ?

Emma Becker : Ce « Odile l’été » est une commande de Vanessa Springora, mais je l’ai très naturellement acceptée car elle s’inscrit totalement Emma Becker 05dans mon projet littéraire qui ambitionne d’interroger la construction des identités sexuelles et sensuelles et de raconter, grâce à l’autofiction, un chemin, un rapport au corps et un rapport aux hommes aussi. Dans « Odile l’été », je tente d’interroger la question qui -forcément - à un moment ou un autre de leur existence taraude les femmes : suis-je lesbienne ?
J’ai vécu cela et l’Odile du livre également et pourtant, nous sommes toutes les deux devenues hétérosexuelles. Nous sommes allées vers les hommes. En me plongeant dans cette histoire, je me suis aperçue qu’en fait, tout ce que nous vivions, la façon dont cela est envisagé par la société, et même le regard que nous portions dessus était en fait un regard de quelque chose qui n’existait pas vraiment. Comme si être lesbienne en étant jeune constituait une trahison par rapport à la société dans son ensemble, la femme étant destinée à aller vers les hommes.

Vous semblez dire qu’une sorte d’éducation ou de « dressage » pèse sur les femmes ?