Entendez-nous !

Un livre délicat, fort et puissant est sur les genoux de Carole Zalberg cette semaine. Elle nous en parle tout de suite.

« Le musée des contradictions » croque en 12 discours l’âge des bars, comme on dirait l’âge de pierre, cette curieuse époque, la nôtre, où la prolifération des bars à eaux, à sourcils, à tout, semble trahir notre besoin d’ivresse impossible à rassasier.
Retrouvant avec bonheur son « nous » qui englobe, enrichit, décuple l’effet d’une langue toujours aussi inventive, Antoine Wauters donne ici libre cours non à la véhémence mais à la vibration. Ça gronde ou ça frotte, ça caresse et ça écorche. Ça interroge sans asséner. Ça fait tinter un rire douloureux. Écrit récemment – la pandémie et ses contentions y sont à la fois décor et symptôme -, ce texte est pourtant le terreau où ont poussé tous les livres précédents, où germent déjà ceux à venir.
Rien d’étonnant à cette chronologie apparemment impossible : comme on garde tous ses âges en soi, l’écrivain porte hors-temps, hors-ligne même, chacune de ses éruptions.
Il sera donc question de mères lasses ou rebelles, souvent dépassées mais précieuses et profondes, de leurs enfants flottant dans un monde mal taillé, trop vague ou trop étriqué, des poches de joie dans les vies de misère, des mille contradictions avec lesquelles nous nous débattons et que seule la poésie peut embrasser dans une même étreinte, impitoyable et généreuse. Ces voix successives, éraillées mais puissantes, s’insinuent et montent à la manière d’une marée qui, en se retirant, laisse sa trace de sel sur les plaies. De tendresse aussi.

Tous les genoux de Carole Zalberg sont là.