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Mon Fjord, ce héros

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Cette semaine, Carole Zalberg est soufflée par un texte d’une beauté phénoménale. Elle nous en parle avec enthousiasme.

 

 

« Ton absence n’est que ténèbres » est comme ces rêves qu’on reprend nuit après nuit ou entre deux éveils : ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. Semblant déversé dans nos propres souvenirs par quelque démiurge murmurant, il se décompose et se recompose constamment, échappe au lecteur pour mieux l’éblouir ou lui broyer l’âme une page plus loin. Au cœur de ce roman qui fascine par sa structure complexe et mouvante, d’une folle liberté, autant qu’il interroge par l’universalité de son propos, trône un fjord en forme d’étreinte dont on ne sait si elle console ou étouffe.  Au long d’un récit porté par un homme sans mémoire, on navigue à travers les époques, les générations, le monde des morts jamais loin des vivants, on saisit, par ces va-et-vient et rapprochements ce qui hante, est transmis, répété, du premier amour sublime et interdit entre un pasteur mélomane et une paysanne assoiffée de savoir et de beauté, à celui, chargé de mélancolie, d’un musicien pour une jeune mère ayant appris à se méfier des hommes.

Cent cinquante ans sur la lande exigeante défilent, s’enroulent sur eux-mêmes, se plient et se déplient pour chanter la perte impossible à combler, l’incroyable difficulté de vivre qui rend si précieuses les heures heureuses. C’est époustouflant de beauté et de noirceur, irrigué de rock, de jazz, de pop faussement légère. C’est de la matière noire et c’est de la lumière pure. Un voyage essentiel auquel nous donne accès  la traduction inspirée du magicien Eric Boury, qu’on salue et remercie.

“Ton absence n’est que ténèbres” , Jón Kalman Stefánsson, Grasset, 25 euros

Tous les livres sur les genoux de Carole Zalberg sont là.

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