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Mendès France ou la voie humaine

PMF TABLEAU

“La démocratie, c’est beaucoup plus que la pratique des élections et le gouvernement de la majorité : c’est un type de mœurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l’adversaire ; c’est un code moral”. Cette citation figure en exergue de l’ouvrage de Frédéric Potier (notre chroniqueur) “Pierre Mendès France : la foi démocratique” qui a paru cette semaine aux Editions Bouquins. Elle dit tout de ce qu’était Pierre Mendès France, et elle dit tout de ce que signifie le fait qu’un jeune haut fonctionnaire de 41 ans puisse puiser dans l’œuvre de PMF une très grande inspiration. Durant le premier confinement, Frédéric Potier a lu les oeuvres complètes de PMF. Il y a trouvé des résonances profondes avec notre actualité : que pèse la parole publique ? Qu’est-ce que l’action politique ? Comment reconstruire une gauche démocratique ? Qu’est-ce qu’une République moderne ? Comment il est toujours possible de choisir ? Comment la gauche peut être républicaine et humaniste sans se trahir ?
Autant de questions qui viennent du passé et qui tendent vers l’avenir.

PMF, une cohérence

En s’immergeant dans la pensée de PMF, Potier a tiré les fils et mis en valeur l’un des enseignements essentiels de PMF : sa foi démocratique. Une foi démocratique faite d’écoute, d’acceptation du contraire, d’une nuance raisonnée et radicale, d’un besoin d’une élaboration collective du consensus démocratique etc… Évidemment, PMF est toujours une source d’inspiration pour Potier, pour la France et pour la gauche. Mais l’autre intérêt du livre de Frédéric Potier c’est aussi de montrer les débats dépassés, et les combats perdus par Mendès. Comme pour rappeler à quel point l’action politique est un long chemin semé d’embuches et où l’acte compte toujours plus que la parole. Dans ce livre qui n’est ni une biographie au sens classique du terme, ni un essai de théorie politique, mais plutôt un essai anglé autour de la pensée d’un homme, une autre chose apparaît clairement. Au-delà de la foi démocratique de PMF magnifiquement narrée (car oui, le livre est une narration superbe) par Potier,  il se dégage également une autre idée force : celle de la voie humaine qui a guidé les pas de PMF tout au long de son action et de sa réflexion politique.

Une voie humaine faite d’une exigence morale, d’une cohérence intellectuelle, d’une attention portée à l’autre, et plus largement d’une rigueur sur les faits et le réel. Ce que PMF nous enseigne, c’est que le réel est toujours là. Qu’il nous faut partir de lui pour aller vers un idéal et qu’il ne faut jamais le travestir. En le travestissant, on ne respecte pas le peuple. En le travestissant, on ment et on discrédite la parole politique. Voilà aussi l’enseignement de cette voie humaine. Essentiel dans des temps troublés où le débat public ne devient qu’une vaste foire où des télévangélistes sont érigés en historiens, où des croyances sont élevées au rang de connaissance, et où les vessies deviennent des lanternes.

Dans la conclusion de son livre, Potier reprend une citation de PMF reproduite dans les œuvres complètes à titre posthume. C’est l’un des derniers textes de Mendès. Il écrit : “Nous avons acquis avec les siècles l’ambition de ne plus obéir à des autoritarismes aveugles, égoïstes ou bureaucratiques. Nous entendons obéir à des lois qui n’émanent que de nous. Ce ne sont pas seulement des problèmes économiques qui nous sont posés et auxquels il y aurait lieu de donner des réponses seulement techniques. C’est un choix de société qui nous incombe au cœur des options d’une civilisation en plein renouvellement”. Propos visionnaire qui nous oblige et qui nous invite à ne jamais raisonner de façon simpliste. Le bien le mal, les gentils et les méchants, le dedans et le dehors, mais qui au contraire nous incite à nous dépasser, à ne pas rechercher la facilité et surtout à ne jamais tomber dans les errements populistes et démagogiques.  A bon entendeur…

Cet essai passionnant a rappelé à l’auteur de ces lignes une maxime d’Antoine de Saint-Exupéry : “Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et tes femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose…Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes & femmes le désir de la mer.” PMF faisait naître le désir de politique. En nous le racontant, Potier le réactive.

Résumons-nous, les cinq raisons de lire cet essai remarquables sont :

  • Une écriture remarquable dans la narration
  • Un livre d’idées pour aujourd’hui et pour demain
  • Une source d’inspiration politique lumineuse qui résonne avec le débat nauséabond actuel
  • Un livre qui donne envie de politique
  • Un auteur prometteur chroniqueur chez Ernest, le magazine qui monte !

Frédéric Potier, “Pierre Mendès France, la foi démocratique”, éditions Bouquins, 19 euros.

Tous les essais transformés sont là.

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