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Cantaloube : “J’ai quitté le journalisme pour me plonger dans la fiction”

CANTALOUBE Thomas 2 © Francesca Mantovani Editions Gallimard

Longtemps journaliste, Thomas Cantaloube est devenu romancier. Un bon romancier de romans noirs qui auscultent les racines de nos maux contemporains. Ernest avait été l'un des découvreurs de son premier roman "Requiem", il est de retour avec "Frakas", peut-être plus réussi encore. Rencontre.

Frakas« Frakas ». C’est le titre du deuxième roman de Thomas Cantaloube. C’est aussi l’effet que produit l’entrée de ce nouvel auteur de la Série Noire dans le cercle du polar français. Avec « Requiem pour une République » (dont Jean Casel sur Ernest fut l'un des premiers à vous parler), il a collectionné les prix : un coup d’essai réussi après ses vingt-cinq ans de journalisme. Aujourd’hui, il en confirme les promesses en affirmant sa patte. Un vrai sens du récit, un style direct et fluide, des couleurs et du rythme, et un territoire inexploré : les bas-fonds du pouvoir au tournant des années 1960. Un cocktail de crime et de politique dans la tradition du genre, avec des surprises à lui. Son livre précédent était centré sur les bavures policières dans la traque du FLN algérien. Cette fois, il nous initie aux opérations que l’armée française a menées à la même époque au Cameroun. Sept ans d’un conflit méconnu, ignoré. Une guerre coloniale sale et sanglante, assortie de bombes au napalm et de camps de concentration, pour faire taire les premières voix indépendantistes. Une sombre page d’histoire qu’il nous fait traverser avec une retenue bienveillante, dans le sillage d’un trio de Pieds Nickelés ni trop violents, ni trop salauds. Trois nouveaux héros qui font tranquillement leur trou dans le paysage du roman noir…

Comment êtes-vous passé du reportage à la fiction ?

Thomas Cantaloube : La fiction me travaillait déjà depuis longtemps. Quand j’étais correspondant à l’étranger, donc pigiste, je passais par des moments de remise en cause quand j’avais moins de boulot. Je me lançais dans un roman ou dans un scénario et puis, d’un coup, l’actualité repartait à fond et je ne terminais jamais. Le déclic est venu d’un bon ami, le photoreporter Patrick Bard, avec qui j’ai beaucoup travaillé aux États-Unis. Son roman « La frontière » est né d’une enquête qu’on a faite ensemble, et une part de moi en était jaloux. Lors d’un week-end chez lui, je lui ai confié mon idée de raconter les bas-fonds de la IVe République sous forme de polar et il m’a encouragé. Je m’y suis mis juste pour moi, pour voir si j’étais capable d’aller au bout, en écrivant les soirs, les week-ends, en vacances. Ça m’a pris deux ans.

"J'admire la façon dont Ellroy raconte l'histoire grâce au polar"

Pourquoi ce mélange de fiction et d’histoire récente ?

Thomas Cantaloube : Par imitation, je n’ai pas honte de le dire. Le réalisateur Samuel Fuller disait : « Piquez aux meilleurs et, si vous vous faites prendre, dites que c’est un hommage ». J’admire beaucoup James Ellroy pour sa manière de réécrire l’Histoire par le biais du polar. Cette période de la fin de la guerre d’Algérie me semblait idéale pour essayer de faire du Ellroy à la française autour du SAC, de ce brassage entre gaullistes, extrême-droite et truands.

Qu’avez-vous appris dans vos recherches sur cette période ?

Thomas Cantaloube : Pour « Requiem », ma vraie découverte a été l’attentat de Vitry-le-François. Ma mère en avait entendu parler parce qu’elle était fille de cheminot. Mais autour de moi, très peu de gens savaient que c’était le deuxième attentat le plus grave en France après ceux du 13-Novembre. Mon idée était de relier les fils entre différents évènements de cet ordre, mal connus. J’ai pioché dans des livres d’historiens, comme le ferait un journaliste, j’en ai sorti une trame. Pour le reste, l’action se passe entre Paris, Marseille, un peu la Normandie, et ça je connais.

Et pour « Frakas » ?