En quête d’une couverture de livre qui attrape son regard afin de nous dire si le ramage est à la hauteur du plumage, Tanguy s’est laissé happer ce mois-ci par celle de « Distance », de Ivan Vadislavic aux éditions Zoé. Car voir Mohammed Ali toiser un gamin blanc sur un ring cache forcément une histoire bien plus subtile que le cliché le laisse paraître.
Je suis dingue de sport, de tous les sports. Depuis que je suis ado je dévore de façon compulsive l’actu qui relate les exploits des athlètes de tous horizons ; je suis accroc aux petites et grandes histoires qui s’inscrivent dans la légende, toutes disciplines confondues ; enrichir ma culture sportive de dates, chiffres, statistiques et autres détails fondamentaux ou insignifiants est pour moi un besoin irrésistible. J’ai dans mes tiroirs une collection de unes mythiques de « L’Équipe » et, au milieu de ma bibliothèque, une photo de Maradona et Platini côte à côte lors d’un matche Juventus - Naples qui m’émeut dès que je pose les yeux dessus.
Autant vous dire que lorsque que je suis tombé sur la couverture de « Distance », mon cœur n’a fait qu’un bond ! Que Mohammed Ali, « the Greatest », illustre un livre qui ne soit pas une biographie consacrée à sa personne est suffisamment rare pour être signalé. Mais que cette photo me soit, de surcroit, totalement inconnue, ne pouvait signifier autre chose qu’un appel du pied.
Renseignements pris, ce cliché date du 4 juin 1963 : Patrick Power, jeune Britannique de 6 ans, prenait une leçon de boxe pour apprendre à se défendre contre de potentiels intimidateurs, quand celui qui s’appelait encore Cassius Clay débarqua dans le même gymnase pour y préparer son combat contre Henry Copper, programmé au Wembley Stadium de Londres. Le boxeur se prêta au jeu des photographes et donna quelques conseils au garçon, allant jusqu’à simuler un KO face au champion en herbe (photo ci-contre).
Si l’on fait abstraction du contexte dans lequel elle a été prise, cette photo dégage une force singulière. Car Ali ne s’est pas contenté de s’auto-proclamer « le plus grand boxeur de tous les temps ». Tout au long de son immense carrière il n’a cessé de le démontrer sur le ring à la force de ses poings à l’occasion de combats épiques qui ont bâti sa légende, et face aux micros tendus à grand coup de punchlines aussi dévastatrices que ses coups. « Ali était aussi vif dans ses saillies que de son jab du gauche. Boxer était une sorte de répartie physique, la joute verbale une forme d’entrainement » écrit Vladislavic dans son livre.
Adepte du trash talking, Ali a passé sa vie à invectiver, moquer et provoquer ses adversaires, qu’ils soient boxeurs, journalistes, ou grands de ce monde. Cela a débuté en 1967, lorsqu’il refusa d’être enrôlé dans l’armée américaine par opposition à la guerre du Vietnam et qu’il affirma : « aucun Vietcong ne m’a jamais traité de nègre ». Puis s’est poursuivi jusqu’à sa disparition en 2016 : « Dieu m’a donné la maladie de Parkinson pour me montrer que je n’étais qu’un homme comme les autres, que j’avais des faiblesses, comme tout le monde. C’est tout ce que je suis : un homme ».
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