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Erri de Luca, militant de la fraternité européenne

Ernest De Luca

Erri de Luca est de ces auteurs qui touchent au cœur. Qui dans les mots mêlent colère, lyrisme, romantisme et poésie. Rencontre.

« Je suis un napolitain européen » a l’habitude de dire Erri de Luca. Dans son dernier livre « Europe mes mises à feu », Erri De Luca exprime son attachement à une Europe ouverte et humaniste. Revendiquant son devoir d’ingérence au nom de la mixité des cultures, il nous offre, par ses mises à feu, sa vision d’une communauté humaine au-delà des frontières – telle que la littérature sait l’incarner : « Le remède obligatoire et immunitaire reste la lecture des livres du monde. Je leur dois d’être porteur de citoyennetés variées et de fraternité européenne.»
Dans cet essai et dans l’entretien qu’il accorde à Ernest, il affirme aussi quelques-unes de ses convictions autour des questions migratoires qui touchent l’Europe. De Luca est un militant, il s’est opposé avec verve à la création de la ligne TGV Lyon-Turin, il a même été emprisonné pour cela. Erri de Luca est aussi un immense écrivain. Ses thèmes de prédilection :
l'enfance livrée à elle-même et le difficile apprentissage de la vie, les ruelles de Naples et l'âpre beauté de la nature qui l'entoure, l'amour sublimé et meurtri, l'exil enfin. De Luca est en fait un poète lyrique et romantique. Entretien.

Ernest De Luca LivreLa montée des nationalismes que vous dénoncez explique-t-elle l’incapacité de l’Europe à se doter d’une politique migratoire juste et cohérente ?

Il n’y a pas de politique européenne en matière d’immigration en raison de l’accord de Dublin du « premier pays d’entrée » dans l’Union qui contraint chaque Etat membre à retenir les migrants dès leur arrivée sur son territoire. Mais en dépit de toutes les mesures en vigueur, dispositions, obstacles ou encore de la non-assistance délibérée des naufragés en mer ou de ceux ayant réussi à accoster, rien ne saurait décourager ceux qui, compte tenu de leur situation dramatique et de l’urgence, n’ont pas d’autres choix que celui d’émigrer. Quand une mère, avec son bébé serré dans ses bras, décide de monter à bord d’un canot surchargé, quand cet instinct maternel, le plus fort de tous les instincts, surpasse toute autre considération, il est évident qu’aucun risque, même celui de mourir par noyade, ne la fera renoncer.

Les naufrages d’immigrés que vous assimilez à des « crimes de guerre » sont-ils l’illustration d’un malaise planétaire grandissant et, si oui, où nous conduit ce monde si injuste ou aveugle ?