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Rendre possible l’incroyable

Abbaye Thoronet Pouillon

Après un hommage à Patrick Grainville la semaine passée à l’occasion de son entrée à l’Académie française et le succès de l’article auprès de nos abonnés, nous avons décidé de revenir, de temps à autres sur des ouvrages marquants. Cette semaine, nous partons vers l’Abbaye cistercienne de Thoronet avec un roman d’une beauté absolue …

C’est l’histoire d’une chose a priori impossible qui devient petit à petit une réalité tangible pour finalement devenir une Abbaye. La construction d’une cathédrale, comme tout autre projet collectif et/ou individuel, est l’exemple même de cette magie que peut opérer la collaboration, l’organisation et l’union des hommes autour d’un même idéal. Elle est l’exemple même, aussi, de ce que peut représenter l’agencement de pierres (ou d’Hommes) différentes et vivantes dans ce qu’il a de meilleur. Dans ce roman-récit de la construction de l’Abbaye cistercienne de Thoronet, il y a des collines provençales, des oliviers et des chênes ancestraux, les étés chauds, mais aussi et surtout la main caleuse de l’homme. Son travail, son opiniâtreté, son orgueil et ses doutes, l’architecture de la pureté des lignes. “Les pierres sauvages” de Fernand Pouillon en Points Seuil est un récit fort et âpre, puissant et lumineux.

Les Pierres SauvagesCe livre est une méditation initiatique sur ce que les hommes peuvent faire de beau et d’inimaginable quand ils tendent vers le même idéal. C’est aussi la capacité une réflexion sur l’inscription de nos actions dans un passé qui serait capable de tendre vers l’avenir. En lisant ce livre, le lecteur vit une véritable aventure humaine, mais il s’interroge aussi sur le sens de l’empreinte que l’on peut laisser dans le monde liquide et éphémère dans lequel nous vivons. La lecture des “Pierres sauvages” charrie également nombre d’interrogations sur le sens des actions humaines. Car, au-delà, de la construction d’une cathédrale, ce récit pose l’une des questions les plus cruciales qui soit : pourquoi faisons nous cela ?

La diversité des pierres comme richesse

Ce roman de Pouillon en narrant la construction d’un édifice qui a duré seize ans nous invite à repenser notre propre rapport actuel au temps et à la vitesse. Dans “les pierres sauvages“, le temps est à la fois un allié et un ennemi. Il est surtout la clé pour solidifier la construction. Dans ce livre, le lecteur fait la connaissance de Guillaume Balz. Il dessine les plans du bâtiment et supervise le chantier où travaillent les frères et les convers. Son journal précis et détaillé fait état des difficultés techniques, de l’avancement des travaux, émaillés d’incidents ou d’accidents, des problèmes financiers et des questions doctrinales rencontrées. C’est l’occasion pour le moine d’une méditation personnelle sur l’ordre des choses, sur l’architecture et, à travers l’architecture, sur la création, surtout lorsqu’elle est animée par la foi. Peu importe d’ailleurs que cette foi soit religieuse ou non. Pour avancer, il faut une étoile. Celle que l’on se choisi seul mais aussi collectivement. Sans celle-ci, rien n’est possible. C’est aussi cela le grand apport de ce roman superbe qui résonne avec une acuité puissante dans le monde actuel : quelle est l’étoile collective qui nous guide ?

Enfin, Pouillon raconte également les différences humaines d’approche du chantier. Il montre aussi les possibilités de rassemblement ou de division. Surtout, en creux, il délivre un message que n’aurait pas renié Antoine de Saint-Exupéry : dans la différence on s’enrichit et on devient meilleur pour mieux construire. Un livre d’une actualité féroce. Certainement parce qu’il parle de ce qui est intemporel, loin de l’hystérie de nos stériles débats actuels !

Toutes les inspirations d’Ernest sont là.

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