Ce mois-ci, Virginie Bégaudeau avec sa verve habituelle, nous emmène dans les coulisses de la domination épicée, dans les joies des recherches sensuelles d’une femme, et dans les grands textes de la littérature érotique. Cérébral et érotique, il fait chaud, non ?
Le classique cérébral et érotique : La vénus à la fourrure
Leopold Von Sacher-Masoch, éditions Pocket
« L’homme est né pour souffrir, et toi particulièrement »
Le ton est donné. Le lien entre Masoch et Masochisme est noué. Parfait. L’héritage de l’écrivain est si riche que l’ampleur de son art déferle sur moi comme une immense vague, une vague de sexe et de poésie qui me submerge. J’assiste à la création d’un mouvement littéraire. Je suis fascinée. Excitée.
J’ai jeté mon dévolu sur « La vénus », car l’autobiographie en érotisme est particulièrement savoureuse. Intrusive et pernicieuse à la fois. Les aventures orageuses que Sacher décrit, rappellent alors celles qu’il a eues avec Anna de Kottowitz. J’ai l’impression de découvrir ces personnalités en pénétrant dans leur intimité offerte au grand public, de pénétrer les rêves de quelqu’un d’autres à mesure que Séverin raconte les siens. Il y a aussi la princesse de Bogdanoff que l’auteur accompagne en qualité de valet, avec qui il évoque « son plaisir vif d’être couché devant sa maîtresse et d’avoir sa nuque sous le pied de celle-ci. » Moi aussi, j’ai envie d’être couchée devant sa maîtresse et de lui infliger cette douleur et de synchroniser notre jouissance en domina-dominé.
La soumission est une extase permanente
La langue est aussi vive que lyrique, subtile, délicate. Ma grande surprise est pour la pudeur du texte malgré tout. Rien n’est cru, tout est cérébral. J’alimente mes fantasmes, ma souffrance, je cherche au plus profond ce qui affole mes sens. Le paradoxe entre la violence du sujet et le miel des écrits est terriblement séduisant. L’expérience est riche et malgré le sexe à demi-mots, la tristesse flotte autour de moi. La soumission est une extase permanente, je la demande, la fouille. Je suis la femme qui domine Séverin, je suis Séverin le dominé. Tout à la fois et bien davantage.
Don de soi, culpabilité, rupture et souffrance, le cocktail n’est pas explosif. Il est concupiscent, presque amer. Un livre marquant qui a bouleversé ma vision du masochisme. C’est le roman d’un rêve. Un rêve duquel on ne se réveille jamais vraiment. Un livre cérébral et érotique. Complètement Sapiosexuel !
Ce roman a fait également l’objet d’une adaptation cinématographique par Roman Polanski et théâtrale avec Marie Gillain.
Du sexe moderne et épicé : La trilogie Baiser
Marie Gray, Guy Saint-Jean éditeur.
C’est avec une allégresse des soirs coquins que je plonge dans cette trilogie où se côtoient humeur, cynisme et sexe. Du sexe arrosé de vin rouge, entre désirs et déceptions, je me prépare à glisser dans une turpitude aux airs de crise de la cinquantaine. Le sujet est universel : la ménopause et toute la sexualité qui « fout le camp ! ». La séparation à l’aube du demi-siècle et un présage de solitude pour les cinquante années restantes, je suis Julie dans cette poursuite à l’homme libidineux. Et pas que les chauves bedonnants, comme elle le dit si bien.
Épuisant et épicé, au final, excitant à souhait
Je la suis au travers ses pérégrinations, ses rencontres aussi excitantes que pathétiques. Cette furieuse envie d’assouvir une luxure laissée en berne agrippe son corps de femme mûre. Les texte de Marie Gray m’obligent à porter un regard audacieux sur la drague contemporaine et les plaisirs jetables. Une réflexion cinglante sur la recherche du prince charmant. Avec elle, je suis entourée d’amies farfelues et lubriques, des cœurs attachants et des corps vieillissants. Je me demande quelle serait les sensations du sexe mâture. Plus fortes ? Plus vraies ? Je n’ai rien à perdre en y songeant. J’assiste à ces orgies, à ces « baises » torrides dont Julie est l’héroïne. Il y a cette critique de l’amour, la multiplication des formes de mises en marché de l’amour. J’erre dans le supermarché des relations, comprenant que, moi aussi, j’en profite.
J’aime le sentiment absurde et lucide qui se dégage. Les verges, les masturbations et les fellations renforcent ce pouvoir de consommation du corps. A l’image de Julie, je me réinvente, je l’accompagne dans ses plaisirs aussi intimes que publics. C’est décadent et décalé. C’est épuisant et épicé. Ces trois romans sont de belles leçons pour les audacieux et une invitation, claire, à découvrir sa sensualité.
Anthologie érotique : La littérature amoureuse
De Pierre Abélard à Marguerite Duras, une sélection de Claude-Henry du Bord.
Dans ma bibliothèque, il y a ce sublime ouvrage de Claude-Henry du Bord, cette anthologie amoureuse que je ressors pour les belles occasions, ou sans occasion d’ailleurs. 150 extraits parmi les plus beaux textes de la littérature française, érotiques, épris, passionnels. Il y en a pour tous les goûts et les miens vagabondent au grès des siècles. Un voyage inspirant qui cultive mes sens et mon imaginaire.
J’incarne tous les héros, je suis une libertine et une romantique. Je suis un chevalier courtois ou une putain de bordel. J’aime la schizophrénie de l’œuvre, cette savoureuse sensations de partager un moment, entourée de tous ces amoureux où je devine, fabrique, le fantasme et l’assouvissement du désir dans les pages qui n’y sont pas.
Initiation sensuelle
C’est une initiation sensuelle dans laquelle, je me travestis, encore. Dans laquelle, j’expérimente les pratiques d’une époque, feignant la pudeur et l’outrance à la fois. Je me glisse dans le lit de ces héros désuets à qui je redonne vie. Ce livre est un partage, un jeu de rôle permanent qui m’extrait du quotidien. Je flirte avec le temps et mon imaginaire. Je flirte dans un salon feutré et une chambre de roi. Je suis l’amante. Je profite de ma position pour en inventer des nouvelles. Je me laisse guider par le plaisir pur et électrique des personnalités multiples. C’est rapide. Efficace. J’ai envie de dispenser mon savoir à ma conquête du soir. Il pourra me demander ce qu’il désire, je serai une encyclopédie, ouverte, à ses appétits les plus fantasques.
Toutes les chroniques “Petit cochon” de Virginie Bégaudeau sont là.