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Ombre pâle, éclatante lumière

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Il est des livres qui, d’un geste simple, vous happent et vous remuent. L’Ombre pâle, premier roman de David Naïm, en fait partie. Sous sa plume sensible et élégante, ce roman intimiste déploie une quête des origines et de la mémoire qui parle à toutes et tous.

Tout commence par un détail, presque anodin : Simon, le narrateur, découvre que le talit (châle de prière) de son père Moïse, récemment décédé, est entremêlé à un autre talit. Ce nœud matériel devient le point de départ d’une quête familiale et existentielle. Quel est cet autre talit ? À qui appartient-il ? Et pourquoi semble-t-il renvoyer à une part d’histoire tue, enfouie, presque oubliée ?

Ce qui frappe dès les premières pages, c’est le mélange d’humour et de gravité qui habite ce roman. Simon est à la fois touchant et drôle, oscillant entre autodérision et émotion à fleur de peau. David Naïm maîtrise l’art de dédramatiser tout en portant des coups précis à l’âme du lecteur. Un passage illustre parfaitement ce ton : « On croit toujours connaître ses parents, jusqu’au jour où ils ne sont plus là pour répondre à nos questions. Alors, on cherche dans leurs affaires comme un archéologue maladroit. Et souvent, on trouve ce qu’on ne voulait pas. »

Avec L’Ombre pâle, David Naïm fait plus qu’écrire une histoire de filiation : il explore les racines d’une identité, celle d’un homme, d’une famille et, en filigrane, celle d’une communauté. Mais jamais il ne tombe dans la démonstration pesante. Tout est là, porté par des scènes tantôt cocasses, tantôt poignantes. On rit de l’obsession des protagonistes pour les petits rituels, avant d’être bouleversé par le poids des silences familiaux. Ce jeu d’équilibre est sans doute la plus grande réussite du livre.

Une fiction universaliste

L’auteur excelle aussi dans l’évocation des lieux et des scènes de la vie quotidienne. L’écriture de David Naïm est visuelle, enlevée et joyeuse. Tant dans la description des lieux, que dans celle des moments de la vie quotidienne. Un appel mémorable au père de Simon dans une voiture, autant que la différence entre séfarades et ashkénazes. Mieux,  partant d’une histoire juive David Naïm tisse un fil universel. Universaliste, même.

Enfin, au-delà des thématiques identitaires et familiales, L’Ombre pâle pose une question universelle : que faisons-nous des fils que nous tend le passé ? Les démêlons-nous ou choisissons-nous d’en tisser d’autres ? Ces talits emmêlés deviennent alors une magnifique métaphore de notre rapport à la transmission et à la mémoire. Mieux, le livre est une ode à la fiction. Celle du roman, mais aussi surtout les fictions de nos vies. Celles que l’on invente pour tenir et garder le cap. Une ode aussi à la beauté de nos incomplétudes.

Ce roman, lumineux dans son apparente simplicité marque le lecteur par son intelligence. Il touche par sa sincérité, émeut par sa profondeur, et séduit par sa finesse d’écriture. David Naïm signe ici une première œuvre qui, tout en étant profondément ancrée dans une culture, parle à chacun d’entre nous. Un grand petit livre, comme on les aime chez Ernest. Plonger dans “l’ombre pâle”, c’est ressortir plein de couleurs.

“L’Ombre pâle”, de David Naïm, éditions de l’Antilope.

Tous les livres du vendredi d’Ernest sont là.

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